Avant, quand les candidats socialistes à la présidentielle tenaient un meeting à Rennes la rose, leurs entourages voyaient les choses en grand. On réservait des grosses salles et les militants répondaient toujours présents. En 2012, près de 18 000 Bretons étaient venus assister au «passage de relais» entre Ségolène Royal et François Hollande. Cinq ans plus tard, ils étaient encore 4 000 à venir applaudir un Benoît Hamon qui commençait pourtant à dévisser dans les sondages. Mais aujourd’hui, la vieille maison socialiste a perdu de sa superbe. Tellement qu’une enquête d’opinions a donné cette semaine sa candidate, Anne Hidalgo, à 1,5 % des intentions de vote, soit derrière Jean Lassalle ou Philippe Poutou.
Alors, quand la maire de Paris arrive à Rennes en 2022, on la joue modeste. C’est sous la halle d’un marché couvert du centre-ville que près de 700 personnes ont été conviées vendredi à écouter la championne des roses. «Maintenant les meetings sont diffusés sur les réseaux sociaux et on n’a plus envie de faire de dépenses folles comme à l’époque, tente de justifier un proche de la candidate. Et puis les Français ne sont pas encore dans la campagne c’est dire si aller à un meeting n’est pas une de leur priorité». Des bénévoles installent des drapeaux français et européens et des pancartes jaune et bleu en soutien à l’Ukraine sur les sièges. «Il faut plus de drapeaux Hidalgo 2022 dans cette zone», glisse l’une d’entre elles, se rendant compte d’une mauvaise répartition.
«Soutien indéfectible»
Beaucoup de têtes blanches viennent ensuite garnir les rangées de chaises. Aux premières loges (juste derrière les deux rangs réservés aux élus) il y a Daniel et Christiane, un couple de retraités âgés de 77 et 78 ans. «Socialistes depuis toujours» même s’ils n’ont pris leur carte au PS pour la première fois en 2006. «On est là pour apporter notre soutien indéfectible à Anne Hidalgo», expliquent-ils d’une seule voix même s’ils sont lucides. «On sait très bien qu’elle n’ira pas au second tour», souffle Daniel. La faute selon eux aux médias qui ne lui «accordent pas la place qui devrait être la sienne et qui préfèrent parler de Zemmour». On croit entendre Anne Hidalgo qui répète à longueur de plateaux télé : «aujourd’hui, il vaut mieux être un fasciste négationniste qu’une femme de gauche républicaine».
Au milieu des socialistes expérimentés, plusieurs groupes de jeunes. Contrairement à leurs aînés qui voteront forcément «Anne Hidalgo» le 10 avril prochain, eux se présentent plus comme «indécis». «On est venus l’écouter pour ensuite faire notre choix», glissent Nathan et Léo, tous deux âgés de 21 ans. «Je ne suis pas encore certain mais j’aime beaucoup son discours très axé sur l’écologie», explique Julien à quelques rangs de là. «Je pourrais voter pour elle parce que je pense qu’elle a des chances de se qualifier au second tour», affirme le plus sérieusement du monde Manolo, 21 ans. «Oui t’as raison à 15 % près», lui répond du tac-au-tac son pote Flavien, ironique.
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Après les interventions d’élus locaux de rigueur, Anne Hidalgo arrive enfin sur scène sous des applaudissements nourris. Actualité oblige, la maire de Paris commence par l’Ukraine. «Ma première pensée va à ce peuple ukrainien qui avait conquis sa liberté et qui vit maintenant sous les bombes de Poutine», lance la maire de Paris. Face à la Russie du «cruel et sanglant» Poutine, la candidate plaide pour sanctions financières fortes allant jusqu’à l’arrêt des importations de gaz et pétrole russe.
«L’âge de la retraite à 65 ans. Mais quel scandale !»
Chacun son tour. Après Poutine, la candidate angle son discours sur le président sortant. Premier tacle sur son refus de participer à un débat avant le premier tour : «la République, ce n’est pas la monarchie et l’élection ce n’est pas le sacre de Reims ! Il est quand même étonnant d’avoir pour slogan Avec vous et dès qu’il est question de débattre, de dire c’est sans moi», grince-t-elle. Anne Hidalgo revient sur les retraites alors que l’entourage du chef de l’Etat a confirmé qu’en cas de réélection, le sortant envisage un report de l’âge de départ à 65 ans. «Mais quel scandale», scande-t-elle. Je vous le dis : nous préserverons l’âge de départ à la retraite, ce sera 62 ans, pas une année de plus !» Dans la salle, les applaudissements vont crescendo.
Il en est de même quand la socialiste glisse dans son discours un clin d’œil à François Hollande et à sa campagne présidentielle victorieuse de 2012. «Dans ce pays miné aujourd’hui par les inégalités dès le plus jeune âge, à l’école, puis dans le début de leur vie professionnelle, et tout au long de leur carrière, mon adversaire, c’est l’injustice !», lance Hidalgo, allusion au fameux «mon véritable ennemi c’est le monde de la finance» prononcé par le Corrézien au Bourget dix ans plus tôt.
Attaques violentes contre Mélenchon
Malgré des sondages qui la place à des années-lumière d’un potentiel second tour, Anne Hidalgo tente de convaincre ses militants que rien n’est encore joué. Alors face à la stratégie du «vote utile» que veulent mettre en place les partisans de Jean-Luc Mélenchon, seul candidat ayant des intentions de vote au-dessus des 10 % dans les sondages, la socialiste entonne la rengaine de la «crédibilité». «La gauche réformiste fait des réformes, la gauche protestataire se contente de protester», lâche-t-elle ciblant Jean-Luc Mélenchon sans jamais citer son nom. L’édile va d’ailleurs plus loin en l’attaquant ensuite avec violence sur ses positions internationales. «Il n’y a pas d’avenir à gauche dans la complaisance avec les dictatures : avec la Russie de Poutine, la Syrie de Bachar El-Assad, le Venezuela de Maduro. Il n’y a pas d’avenir le dos tourné aux droits de l’Homme, à l’Etat de droit, à la laïcité, à l’Union européenne. Il n’y a pas d’avenir dans le populisme et la démagogie», assène-t-elle.
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21 heures. Le meeting se termine par la Marseillaise. A la sortie, Gérard, 72 ans, un ancien rocardien a beaucoup aimé ce qu’il vient d’entendre. «C’était un beau discours, un beau discours de valeurs, glisse-t-il. Malheureusement on sait qu’elle n’ira pas au second tour mais peut-être qu’on saura rester unis pour la suite». A l’intérieur, les bénévoles se pressent de tout ranger. «Dans quelques heures, le lieu redevient un marché», sourit l’un d’entre eux.