Plus de trente ans. C’est le temps qu’il a fallu à l’Etat pour faire aboutir un processus d’autodétermination en Nouvelle-Calédonie, archipel français situé au nord-est de l’Australie et colonisé par la France en 1853 sur ordre de Napoléon III. Collectivité d’outre-mer bénéficiant d’un statut spécial inscrit dans la Constitution, l’île a, jusqu’en 1931, accueilli un bagne où ont déporté plus de 20 000 personnes dont plusieurs participants à la Commune de Paris, dont Louise Michel. Les Kanaks, qui bénéficient de la citoyenneté française depuis 1946 seulement, revendiquent depuis plus d’un siècle leur droit à l’indépendance. Le troisième référendum sur l’indépendance fixé par l’Etat au 12 décembre est censé clore un processus de paix ouvert par la gauche dans les années 1980.
Reportage
22 avril-5 mai 1988 - Attaque de la grotte d’Ouvéa
A deux jours du premier tour de la présidentielle et alors que les violences entre indépendantistes et partisans du maintien de la Nouvelle-Calédonie dans la République s’intensifient, des militants du FLNKS prennent d’assaut la gendarmerie de l’atoll d’Ouvéa. 4 gendarmes sont tués, 27 autres sont retenus en otage dans une grotte pendant plusieurs jours. Sur fond d’affrontement politique à Paris entre François Mitterrand (président de la République) et Jacques Chirac (Premier ministre), qualifiés pour le second tour de l’élection, ordre est lancé à l’armée de donner l’assaut : 19 Kanaks et 2 autres militaires sont tués.
26 juin 1988 - Accords de Matignon
A Paris, indépendantistes menés par Jean-Marie Tjibaou et loyalistes de Jacques Lafleur, leader du Rassemblement pour la Calédonie dans la République (RPCR), signent un texte historique sous l’égide du gouvernement de Michel Rocard. Les accords prévoient d’attendre dix ans avant de permettre aux Néo-Calédoniens de se prononcer sur leur indépendance. Dans l’intervalle, l’Etat français promet un meilleur équilibre des pouvoirs économiques et institutionnels en direction de la communauté kanake.
4 mai 1989 - Assassinat de Tjibaou
Lors de la commémoration des victimes d’Ouvéa, Jean-Marie Tjibaou est assassiné, tout comme son bras droit au FLNKS, Yeiwéné Yeiwéné, par un Kanak indépendantiste opposé aux accords de Matignon.
5 mai 1998 - Accords de Nouméa
Dix ans après l’assaut de la grotte d’Ouvéa, le gouvernement de Lionel Jospin aboutit à un nouvel accord entre les pro et anti-indépendance. Le texte prévoit de transférer de nombreuses compétences à Nouméa et de confier à un gouvernement local et aux autres pouvoirs locaux de nombreuses compétences (hors défense, sécurité, justice et monnaie). Il nécessite une modification constitutionnelle pour y inscrire le nouveau statut du territoire capable, désormais, de faire voter ses propres lois. Les accords prévoient l’organisation d’au moins trois référendums sur l’indépendance avant octobre 2022.
Analyse
4 novembre 2018 - Premier référendum
Le «non» l’emporte largement (56,7%) sur le «oui» à l’indépendance de l’archipel (43,3%) dans un scrutin au corps électoral gelé et marqué par une forte participation (81%). Mais les partisans du maintien de la Nouvelle-Calédonie dans la République espéraient une victoire plus large afin de voir les indépendantistes renoncer à toute autre consultation. Nouméa et la province Sud ont voté très majoritairement pour le «non». La province Nord, plus pauvre et dirigée par les indépendantistes, s’est prononcée pour le «oui».
4 octobre 2020 - Deuxième référendum
Nouvelle victoire du «non» à l’indépendance mais beaucoup plus courte : 53,3% contre 46,7% pour le «oui». Avec une participation encore plus importante (85,7%), ce nouveau vote, marqué par la mobilisation des indépendantistes, laisse entrevoir la possibilité d’une victoire du «oui» à la prochaine consultation : à peine 10 000 voix séparent les deux camps.