Une catastrophe qui pourrait faire des milliers de morts, la formation délicate d’un gouvernement susceptible d’échapper à la censure, un pays confronté à une grave crise financière… Trois jours après sa prise de fonction, le nouveau Premier ministre François Bayrou a pourtant décidé de quitter Matignon pour se rendre à Pau (Pyrénées-Atlantiques), ce lundi 16 décembre au soir. Il y a dirigé le conseil municipal, comme il en a l’habitude depuis son élection à la tête de la ville il y a dix ans. Une double casquette que François Bayrou avait déjà portée quand il avait conservé son mandat local alors qu’il était ministère de la Justice en 2017. Comme la première fois, son intention est de conserver la mairie, selon une source gouvernementale.
Ce déplacement dans le Béarn - réalisé grâce à un polluant Falcon de la République - a contraint François Bayrou à assister à distance à la réunion du centre interministériel de crise à Paris au sujet de Mayotte, dévasté par un cyclone meurtrier, qui a été présidée par Emmanuel Macron. En parallèle, le ministre de l’Intérieur démissionnaire, Bruno Retailleau, se trouve notamment sur l’archipel de l’océan Indien.
Témoignages
Dans ce contexte très sensible, le choix du nouveau chef du gouvernement de privilégier le conseil municipal de sa ville a suscité de vives réactions, en particulier à gauche. Le député socialiste Arthur Delaporte a dénoncé, sur X, une décision «indigne et irrespectueuse […] alors même que Mayotte traverse l’une des pires tragédies». De son côté, l’écologiste Sandrine Rousseau s’est indignée du comportement du Premier ministre : «Nous traitons la catastrophe avec distance comme si elle s’était déroulée dans un ailleurs, lointain et différent. Mayotte est la France», a-t-elle fustigé. La vice-présidente LFI de l’Assemblée nationale, Clémence Guetté, s’élevant de son côté, sur X, contre «un Premier ministre illégitime à mi-temps».
Son premier adjoint à Pau, Jean-Louis Peres, a jugé lundi sur France Bleu «souhaitable» que François Bayrou conserve ce mandat local qui permet de «résoudre les questions que se posent les Français» avec «du très concret». Mais alors que le maire-Premier ministre défendait le cumul des mandats, l’opposition paloise a vivement critiqué son choix, estimant qu’il n’était «pas à sa place» dans la ville du Béarn, ni «irremplaçable». «Notre ville a besoin d’un maire présent tous les jours et impliqué dans les dossiers», a lancé le socialiste Jérôme Marbot, tandis que l’écologiste Jean-François Blanco lui reprochait sa participation au conseil municipal, estimant que sa place «était à Paris ou à Mayotte». «Un mandat local ne doit pas être une base de repli», a ajouté l’élu, même en cas de gouvernement «non durable».
«Questions au Premier ministre» à l’Assemblée et cumul des mandats
Le locataire de Matignon enchaînera toutefois mardi avec une séance de «questions au Premier ministre» à l’Assemblée, en lieu et place des traditionnelles «questions au gouvernement». L’organisation de cette séance avait été demandée par la présidente de l’Assemblée Yaël Braun-Pivet lors de sa rencontre avec François Bayrou samedi, et la conférence des présidents l’a actée lundi en début d’après-midi.
Aucun texte n’oblige un Premier ministre à démissionner de son mandat de maire. L’article 23 de la Constitution interdit seulement le cumul d’une fonction de ministre avec un mandat «parlementaire». Ses prédécesseurs à Matignon Jean-Marc Ayrault, Jean Castex et Edouard Philippe avaient laissé leurs fauteuils de maire de Nantes, Prades et Le Havre à leurs suppléants. A l’inverse, Jacques Chirac était resté maire de Paris quand il avait été Premier ministre de 1986 à 1988. Les débats pourraient aussi porter sur le maintien ou pas de François Bayrou à la présidence de l’Agglomération de Pau, qui comprend 31 communes représentant plus de 160 000 habitants.
Mise à jour : à 21h42, avec l’ajout de la tenue du conseil municipal, des réactions de l’opposition paloise et du déplacement de François Bayrou en Falcon.