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Ingérence

Enquête du «Washington Post» sur l’influence russe en Europe : le RN dénonce une «cabale»

Guerre entre l'Ukraine et la Russiedossier
Après la parution de l’enquête du média américain rappelant les liens de la formation d’extrême droite avec le régime de Vladimir Poutine, son porte-parole, Laurent Jacobelli, a redit que son parti condamnait l’invasion de l’Ukraine mais regrette, dans le même temps, les sanctions européennes.
Le député RN Laurent Jacobelli à l'Assemblée nationale, à Paris le 7 novembre 2023. (Telmo Pinto/NurPhoto.AFP)
par Victor Bolzer
publié le 2 janvier 2024 à 18h55

Ce coup-ci, l’attaque est venue de l’étranger. Samedi 30 décembre, quelques heures avant l’enregistrement des «vœux aux Français» de Marine Le Pen, une enquête du Washington Post est venue rappeler dans le débat français les liens entre le Rassemblement national et la Russie. Comme plusieurs médias – dont Libération – l’ont déjà documenté, le quotidien américain accuse la formation française d’extrême droite de liens avec le régime de Vladimir Poutine et s’appuie sur des «documents du Kremlin obtenus par un service de sécurité européen».

Une «cabale», a riposté ce mardi 2 janvier l’un des porte-parole du RN, Laurent Jacobelli, sur Sud Radio. «Il y a un agresseur qui s’appelle la Russie, et l’agressé s’appelle l’Ukraine, a-t-il ajouté. Si la Russie nous avait donné nos éléments de langage, je ne crois pas que nous dirions cela.» Pour le député de Moselle, «on reproche [au RN] d’avoir condamné le fait que certains embargos sont inutiles». «Les faits nous ont donné raison», a-t-il assuré, reprenant justement un des éléments de langage porté par Moscou : «La Russie est en croissance, continue d’exporter de l’énergie, et ces énergies arrivent en France par des moyens détournés. La seule différence, c’est que les Français les payent plus cher. On ne peut pas nous reprocher d’avoir dit la vérité.»

Un cadeau pour la macronie

Dans son enquête, le Washington Post met également en cause Jean-Luc Schaffhauser, ancien député européen de la formation de Marine Le Pen. Ce dernier avait mené les négociations lors du prêt obtenu par le RN en 2014 auprès d’une banque russo-tchèque. D’après le quotidien américain, il loue aujourd’hui un étage de sa résidence à Strasbourg à Ilya Subbotin, numéro 2 de l’ambassade de Russie en France. Lequel siégeait au Conseil de l’Europe jusqu’à l’invasion russe en Ukraine. Ensemble, ils travailleraient, selon le journal, «sur des plans visant à propulser des politiciens pro-Moscou au pouvoir». «Un simple arrangement commercial», a tenté de justifier Schaffhauser auprès du Washington Post.

Ravis en ce début d’année de pouvoir coller à nouveau le drapeau russe sur les costumes tout neufs de leurs rivaux frontistes, les responsables de Renaissance ont critiqué «une stratégie globale d’ingérence en tout genre». «Le parti de Marine Le Pen et Jordan Bardella joue un rôle prépondérant pour relayer la propagande de Poutine», peut-on lire notamment dans un message du parti Renaissance posté sur Twitter (renommé X). Loïc Signor, porte-parole de la formation présidentielle, a partagé dans la foulée une version des vœux de Marine Le Pen en… russe. Merci l’intelligence artificielle.

Chaque camp joue gros

Ces escarmouches lancent ainsi les hostilités entre macronistes et lepénistes à quelques mois des élections européennes du 9 juin, où chaque camp joue gros. Marine Le Pen a donné à cette échéance une grande place dans ses vœux du 31 décembre : «Comme nous avons mis [en 2022] Emmanuel Macron en minorité à l’Assemblée, il nous revient désormais de rendre sa famille politique minoritaire au Parlement européen», a-t-elle déclaré.

Le chef de l’Etat installe lui aussi ce duel à distance avec celle qu’il a battu lors des deux dernières élections présidentielles. «Vous aurez au mois de juin à vous prononcer sur la poursuite de ce réarmement de notre souveraineté européenne face aux périls : arrêter la Russie et soutenir les Ukrainiens ou céder aux puissances autoritaires en Ukraine ; continuer l’Europe ou la bloquer», a-t-il développé dans son allocution du 31 décembre. Pour cette nouvelle année que le président de la République a présentée dimanche comme une «année de choix décisifs», le ton est donné.