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Libération
C'est qui la patronne ?

Entretien au «Figaro», réunions avec les élus Renaissance... l’opération leadership d’Elisabeth Borne

L’entretien accordé par la Première ministre, ce jeudi 7 décembre au «Figaro», est destiné à balayer toute rumeur de remaniement en janvier et à relativiser l’importance du projet de loi immigration, en débat à l’Assemblée avant la trêve de Noël.
Elisabeth Borne à Paris, le 23 novembre 2023, à l'occasion du 105e Congrès des maires de France. (Albert Facelly/Libération)
publié le 7 décembre 2023 à 18h46

Il y a le texte et le sous-texte dans la longue interview d’Elisabeth Borne publiée dans le Figaro jeudi. Logement, énergie, emploi… L’entretien est une énumération, façon catalogue, de l’ensemble des réformes que la Première ministre compte mener au premier semestre 2024. Quant au sous-texte ? «C’est “Je reste”, ou plutôt “Je veux rester”, traduit un membre de son gouvernement. Ce n’est pas fait dans le dos de l’Elysée, ce n’est pas son genre.» Alors que les rumeurs de remaniement imminent pointent à nouveau, Borne entend montrer qu’elle conserve les manettes. Au moins pour quelques mois supplémentaires. «J’ai montré que j’ai de l’énergie, de la détermination pour porter les réformes du Président. Et cette détermination ne faiblit pas», conclut-elle, au cas où certains auraient vraiment du mal à comprendre le message envoyé par son intervention. «Un Premier ministre doit toujours se penser, si ce n’est éternel, du moins dans le temps long», résume cruellement un proche d’Emmanuel Macron.

Une étape de plus dans la campagne que la cheffe du gouvernement mène au grand jour depuis quelques semaines pour conserver sa place. Elisabeth Borne ne s’est pas contentée de recevoir en petits groupes les députés de la majorité, du 28 novembre au 5 décembre, «afin d’échanger et d’évoquer avec eux les priorités du premier semestre de l’année 2024», Matignon a envoyé un communiqué de presse pour l’annoncer. Les photographes ont même été conviés à shooter les rencontres alors que ce type de conciliabules, avec verres de vin et amuse-gueules, reste d’ordinaire plus discret. «On était divisés en petits groupes. Ça me rappelait mes cours d’arts plastiques au collège, se marre une députée Renaissance pas emballée par l’opération. Elle était détendue, aimable, parlait sans note.» Le tout en se gardant de faire la moindre annonce aux députés. «Ça sentait la reprise de leadership», décode une élue.

Enjamber le texte immigration

Même procédé lundi dernier. Sa réunion de travail avec ses ministres Bruno Le Maire (Economie et Finances) et Olivier Dussopt (Travail) «pour atteindre le plein-emploi», grande priorité d’Emmanuel Macron, est annoncée très en amont à la presse. Eternel bloc-notes à portée de main quand elle reçoit ses ministres, Borne a passé les dernières semaines à plancher sur son programme législatif de la rentrée. Façon d’enjamber l’incertain projet de loi immigration – dont l’examen dans l’hémicycle de l’Assemblée nationale commence le 11 décembre – et les derniers 49.3 à dégainer pour faire passer son budget 2024. Et d’oublier que chacune de ces étapes peut conduire à la chute de son gouvernement en cas d’accident de parcours.

Les objectifs énoncés dans le Figaro sont sans surprise. Diagnostiquant «un besoin évident d’autorité et une attente de sécurité sur tout le territoire» après l’attentat de samedi dernier à Paris et la rixe de Crépol, Borne mise sur le déploiement de 239 brigades de gendarmerie annoncé par le Président et sur une «stratégie renforcée de lutte contre les stupéfiants». En matière de terrorisme, elle n’exclut pas de nouvelles mesures. «C’est trop tôt aujourd’hui, alors que l’enquête vient de démarrer», temporise-t-elle toutefois, alors que Les Républicains et le Rassemblement national se sont lancés sans attendre dans une surenchère de mesures liberticides.

Un ministre : «Elle reste trop prudente»

Le reste de l’agenda sera trusté par des réformes économiques. Un projet de loi énergie doit réformer la fixation du prix de l’électricité, sujet sensible après deux années de forte inflation. La crise du logement fera l’objet de deux textes, l’un accélérant la construction, l’autre censé donner «davantage de leviers aux maires» en matière d’urbanisme. Elisabeth Borne ne reprend pas à son compte les propositions de Bruno Le Maire sur la réforme du chômage des plus de 55 ans ou sur la création d’un dispositif de temps partiel pour les seniors. Elle imagine plutôt une «extension» du dispositif de retraite progressive. En matière d’emplois, elle évoque un plan «pas d’emploi non pourvu» dans les secteurs qui peinent à recruter, sans s’étendre sur les détails. La Première ministre compte aussi programmer une loi de «transformation de notre agriculture» et une autre sur «l’efficacité de l’action publique» visant à «diversifier les voies de recrutement» des fonctionnaires.

Pas un mot plus haut que l’autre ou une prise de position inattendue dans le programme énoncé par la cheffe du gouvernement. «Elle reste trop prudente. Il faut qu’elle ait un thème, un sujet, un objet politique bien à elle», encourage un de ses ministres, convaincu qu’elle doit sortir de son rôle d’exécutante du programme présidentiel si elle veut durer à Matignon. «Il ne se passera rien en décembre», certifie un proche du Président. Mais en janvier ?