«Je ne vais pas en rajouter.» Face à la presse conviée à Beauvau ce jeudi 10 avril pour un bilan de ses six premiers mois passés à l’Intérieur, Bruno Retailleau ne s’est pas étalé sur la trouvaille loufoque dégotée par son rival à la présidence des Républicains (LR), Laurent Wauquiez. Dans un entretien au JD News, l’hebdo du groupe de Vincent Bolloré, le chef de file des députés LR proposait mardi «d’enfermer» les OQTF (obligation de quitter le territoire français) à Saint-Pierre-et-Miquelon, un archipel à plus de 4 000 kilomètres de la métropole, situé au large du Canada.
Interrogé sur cette piste, le ministre de l’Intérieur, qui prévoit par ailleurs de créer 3 000 places supplémentaires en centres de rétention administrative d’ici à 2027, a répondu ne pas vouloir «polémiquer avec un compétiteur». Une règle que l’ancien sénateur de Vendée s’est fixée depuis son entrée en campagne, mi-février. «Je ne polémique pas plus maintenant que demain», a-t-il déclaré, jugeant seulement la proposition de Wauquiez «déroutante». Et Retailleau d’ajouter : «Chacun a le droit en démocratie de s’exprimer.» Dans son entourage on affirme que cela « n’est ni faisable, ni souhaitable, ni préparé». «Sans laissez-passer consulaire ils ne peuvent pas partir, fait valoir un proche du ministre de l’Intérieur. Wauquiez ne connaît pas le sujet. Saint-Pierre-et-Miquelon, ce n’est pas Saint-Hélène. Ça ne nécessite même pas qu’on se penche dessus…»
«Ce qui est déroutant Bruno, c’est l’incapacité de la France, ministre après ministre, à régler le problème des OQTF et le fait d’accepter passivement que des criminels étrangers soient relâchés dans nos rues», a réagi Laurent Wauquiez sur son compte X, appelant à «trouv[er] des solutions».
«Aucun territoire français ne mérite d’être traité comme une zone de relégation»
Depuis sa sortie, le patron des députés LR essuie un tombereau de critiques . «Saint-Pierre-et-Miquelon, c’est la France – pas une prison ou un centre de rétention», s’est insurgé le ministre des Outre-mer, Manuel Valls, rappelant qu’«aucun territoire français ne mérite d’être traité comme une zone de relégation. Premier territoire rallié à la France Libre, les habitants de Saint-Pierre-et-Miquelon sont des Français à part entière et non des Français entièrement à part. L’exil forcé, c’est une méthode de colon, pas d’élu de la République. Le bagne de Cayenne c’est loin et tant mieux».
Chez les macronistes, les récriminations ont également fusé. «Tout ce qui reste de républicain chez Laurent Wauquiez, c’est le nom de son parti !» a balancé Pieyre-Alexandre Anglade, président de la commission des affaires européennes à l’Assemblée. Même chez les troupes LR, le malaise est palpable. Des députés du groupe présidé par Wauquiez croisés ces derniers jours au Palais-Bourbon préféraient regarder leurs chaussures plutôt que de commenter la trouvaille de leur chef.
Mise à jour à 12h52 avec la réaction de Laurent Wauquiez et celle de l’entourage de Bruno Retailleau.