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Macronie

Européennes 2024 : pour Renaissance, pas d’heureux événement dans les urnes

Elections européennes 2024 dossier
Après une campagne laborieuse, Valérie Hayer a obtenu 14,5 % des voix selon de premières estimations, un résultat plus bas que celui de sa colistière Nathalie Loiseau il y a cinq ans. Mais devrait tout de même rester devant la liste de Raphaël Glucksmann.
Lors de la soirée électorale chez Renaissance, dimanche soir. (Albert Facelly/Libération)
publié le 9 juin 2024 à 20h46

Une claque est-elle moins douloureuse quand on la voit arriver au ralenti ? A l’issue d’une campagne en forme de chemin de croix, les macronistes se sont rongé les sangs en fin de journée ce dimanche en attendant de savoir si, à l’humiliation d’un score plus de deux fois inférieur à celui de Jordan Bardella (Rassemblement national), s’ajouterait un accident industriel : être relégués en troisième position derrière la liste de Raphaël Glucksmann (PS-Place Publique). A 14,5 % selon une estimation Ipsos pour France Télévisions (soit 14 ou 15 sièges), la liste de Valérie Hayer devait éviter de peu ce scénario noir pour la majorité présidentielle, à mesure que se précisaient les remontées du dépouillement à travers le pays. Le choc n’en est pas moins violent pour le camp d’Emmanuel Macron, qui n’avait encore jamais subi une sanction aussi sévère à un scrutin national. Difficile, dans ces conditions, de se contenter des éternels éléments de langage sur un scrutin défouloir et sur l’usure du pouvoir. «Ce n’est pas la peine de se cacher derrière son petit doigt», a reconnu sur France 2 le président du Modem, François Bayrou, selon lequel «ce résultat entraîne, exige, une refondation, une reconstruction».

«On n’a plus d’électorat»

La défaite est moins celle de Hayer que du chef de l’Etat et de son Premier ministre, tant les deux hommes ont relégué au second plan leur tête de liste dans les dernières semaines de la campagne. L’appel au «sursaut» et au «réveil» lancé par le chef de l’Etat sur TF1 et France 2 jeudi soir est resté sans effet. L’inefficacité de cette stratégie de saturation médiatique par l’Elysée est cruelle pour le chef de l’Etat, signe d’une démonétisation avancée un peu moins de trois ans avant le terme de son second mandat. Difficile de ne pas discerner l’écho des fins de règne poussives de François Mitterrand et Jacques Chirac.

L’effondrement par rapport au score de Nathalie Loiseau en 2019 (22,42 %) est d’autant plus cuisant que, cette fois-ci, la majorité présidentielle a fait liste commune avec l’UDI (2,50 % des voix en 2019). «On n’a plus d’électorat. C’est ça notre vrai problème», diagnostiquait en fin de campagne un cadre du groupe Renaissance à l’Assemblée, décrivant «un parti et un pouvoir gentrifié, inaccessible pour les Français». Le «en même temps» de 2017 est aujourd’hui atrophié sur un créneau de centre droit. «Il faudra se lever tôt pour dire qu’il n’y a pas eu une fuite de notre électorat de gauche», pestait un ancien ministre en voyant arriver le désastre. La droitisation affichée en janvier par le gouvernement Attal, avec l’arrivée des sarkozystes Rachida Dati et Catherine Vautrin, a été amplifiée par une ribambelle de réformes urticantes pour la sensibilité sociale-démocrate de la majorité, entre durcissement de l’assurance chômage et remise en cause du statut des fonctionnaires ou du logement social à vie.

Score anémique

Le score anémique de Hayer, présidente sortante du groupe Renew au Parlement européen, signe aussi le déclin de l’influence d’Emmanuel Macron parmi les Vingt-Sept. Celui qui fut le héraut de la construction européenne avec le discours de la Sorbonne de 2017, encouragé par l’envoi d’un solide contingent d’eurodéputés en 2019, est «rétréci dans ses moyens d’action au Parlement européen», a jubilé Bardella. La trajectoire d’un canard doublement boiteux, à Paris comme à Bruxelles.