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Européennes : les 8 moments marquants du débat entre les têtes de liste

Elections européennes 2024 dossier
Deffontaines qui s’affiche avec Ruffin, la carte de Marion Maréchal pour cibler la population immigrée, ou encore l’offensive de Glucksmann sur l’Ukraine… On vous résume les instants décisifs de la confrontation qui s’est tenue mardi soir sur France Télévisions entre les 8 principales têtes de liste aux élections européennes.
A Paris, le 4 juin 2024. (Denis Allard/Libération)
publié le 4 juin 2024 à 23h01

C’était la dernière joute avant le scrutin du 9 juin. Les huit principales têtes de liste candidates aux élections européennes ont débattu mardi soir sur France 2. Alors que nombre d’électeurs n’ont pas encore fait leur choix, ou peuvent toujours en changer, les candidats se sont efforcés de convaincre, ou de dénigrer leurs concurrents, sur les thèmes de l’immigration, de l’écologie, de l’économie et de la politique internationale. Des échanges globalement apaisés, malgré quelques passes d’armes, notamment sur la question du soutien à l’Ukraine. Libé vous résume le débat en huit moments forts.

Le communiste Léon Deffontaines s’affiche avec François Ruffin, les insoumis fulminent

En préambule du débat, chacune des têtes de liste est invitée à présenter une image symbole de ce qu’elle porte dans la campagne. La tête de liste du PCF fait un petit coup malin, et dégaine une photo de lui aux côtés de l’insoumis François Ruffin, lors d’une mobilisation avec les salariés en grève de l’usine Metex à Amiens, menacée de fermeture. Sur les réseaux, les troupes de Jean-Luc Mélenchon goûtent peu la manœuvre. «Sans honte, Léon Deffontaines laisse entendre que François Ruffin le soutient alors qu’il soutient Manon Aubry avec qui il était aux côtés des salariés de Metex hier et qu’il a accueillie pour un meeting à Amiens le 13 mai», grince le directeur de campagne insoumis Matthias Tavel sur X. Il n’y a pourtant pas de hasard. Natif d’Amiens, Léon Deffontaines a démarré sa vie militante aux côtés du fondateur du journal Fakir, historiquement proche des élus PCF en Picardie. Et le jeune communiste n’a toujours dit que du bien de celui qui est souvent classé comme un «frondeur» de la direction insoumise.

Marion Maréchal dégaine une carte pour cibler «la population immigrée d’origine non européenne»

La candidate Reconquête a commencé très fort et très haut dans le racisme. Comme «image de campagne» à choisir en préambule du débat, elle opte pour une carte de la France, réalisée par le très droitier Observatoire de l’immigration et de la démographie, un think tank proche des Républicains et des zemmouriens, sur laquelle la quasi-totalité de la région Grand-Est est coloriée en rouge vif. «Cette partie représente l’ensemble de la population immigrée d’origine non européenne en France», présente Maréchal, amalgamant ainsi étrangers, population immigrée ou d’ascendance immigrée extra-européenne. Dans le viseur de la petite fille de Jean-Marie Le Pen, l’Islam bien sûr, et la croissance de ses fidèles en France qui représenterait, selon Maréchal, «la fin de la liberté de conscience, de la liberté d’expression et de la liberté des femmes». Rien que ça.

Accusée d’être effacée par les cadors de son camp, Valérie Hayer se rebiffe

«On a dit que j’étais effacée, remplacée», ironise la candidate du camp présidentiel en guise d’introduction. Reléguée au second plan par l’omniprésence du Premier ministre et du Président, Valérie Hayer conteste on invisibilisation par le duo exécutif. «Je n’ai besoin ni des commentateurs, ni des adversaires pour parler à ma place», lâche-t-elle. Avant de tenter une riposte en mode opération-sincérité, rappelant son peu de goût pour les coups d’éclat : «les punchlines c’est pas mon truc». Celle qui avait l’habitude, ces cinq dernières années, de regarder les émissions politiques «depuis [son] canapé» n’est pas la reine de la com, mais elle vante son sérieux d’eurodéputée française «la plus influente» à Strasbourg selon un baromètre européen.

Jugée trop scolaire dans ses premières prestations, elle se montre particulièrement défensive en ce début de débat. Alors que les premières questions portent sur le pacte migratoire européen, adopté mi-mai à Strasbourg, Valérie Hayer rappelle avec véhémence que celui-ci a été voté avec le soutien PPE, groupe dans lequel siège la délégation des LR de François-Xavier Bellamy, et les sociaux-démocrates auxquelles appartiennent les socialistes emmenés par Raphaël Glucksmann. Le chef de file des roses lève les yeux au ciel, et le versaillais proteste : «vous savez très bien comment fonctionne le parlement européen, on mène des négociations y compris à l’intérieur de nos propres groupes». «Vous aussi vous répétez des tas de chose à chaque fois», leur rétorque la macroniste.

François-Xavier Bellamy ne veut pas être associé au camp présidentiel

Sur l’immigration, le candidat LR tente de se démarquer de Valérie Hayer. Piqué par la candidate Renaissance, qui lui a rappelé que son groupe, le PPE, a voté le pacte migratoire européen, le candidat LR assure qu’il a «combattu» au Parlement européen cette même politique, notamment le système de répartition des réfugiés entre pays membres. Le député sortant pointe l’alliance entre les libéraux (dont les macronistes), les écologistes et les sociaux-démocrates qui ont permis l’adoption du texte. Au passage, il réaffirme sa volonté de construire des murs à certaines frontières européennes : «Ce qui fait que des gens meurent en Méditerranée, ce n’est pas que l’Europe ait des frontières, c’est que l’Europe n’en ait plus».

A Bardella, Bellamy reproche (encore) son «absence» à Strasbourg : «Où sont vos propositions ?» Sur l’aide à l’Ukraine, la tête de liste de droite veut aussi dénoncer la politique menée par l’exécutif, et estime que la France n’est «pas à la hauteur». Selon lui, les usines tricolores de l’armement ne sont pas «mobilisées autant qu’elles pourraient» l’être, faute de commandes de l’Etat suffisantes. En Ukraine, «c’est aussi notre propre sécurité qui est en jeu», avance la tête de liste, plaidant pour «construire ensemble cette industrie de défense». François-Xavier Bellamy compte notamment sur un triplement du fonds européen de défense.

Marie Toussaint associe Bardella au «fascisme» avec le soutien de Manon Aubry

Sans surprise, le ton est monté entre la gauche et l’extrême droite sur l’immigration. «Quand j’entends M. Bardella avoir comme seule et unique proposition une double frontière, on se rend compte que quand on creuse, il y a du vide. L’Europe s’est construite sur le projet de tourner le dos au fascisme», affirme Marie Toussaint. Questionnée par la journaliste Caroline Roux pour savoir si elle visait la tête de liste du RN dans son allusion au fascisme l’écologiste ne cille pas : «oui». Elle est alors appuyée par Manon Aubry, dans une interjection qui permet aussi à l’insoumise de s’insérer dans le duel : «votre parti a été créé par d’anciens waffen SS», lance-t-elle au patron du RN. Avant de dénoncer «la démagogie» des uns et des autres sur les questions migratoires. «Une course à l’échalote» sur le nombre de frontières à mettre en place à la demande de la droite et l’extrême droite. Selon elle, le sujet mérite «de la dignité» et de «l’humanité», une meilleure coordination entre les Etats et se concentrer «sur les causes des migrations». «Quand vous quittez votre territoire, c’est que vous n’avez pas d’autres choix», estime-t-elle.

Valérie Hayer annonce 7,5 milliards d’euros d’investissement pour le ferroviaire, sous le feu des critiques des autres candidats

«Je vous fais une annonce ce soir» lance la candidate macroniste en laissant un silence pour ménager son effet. «Demain, la Commission européenne va verser à la France 7,5 milliards d’euros pour permettre la rénovation de 500 petites lignes ferroviaire, 1 600 bornes électriques sur le territoire. C’est ça la transition environnementale», proclame la tête de liste du camp présidentiel. «Oh, trois jours avant les élections, c’est marrant, ça !» la coupe alors Bardella sur un ton moqueur. «Il y a des dates, des timings monsieur Bardella, si vous aviez travaillé vous l’auriez su», riposte Valérie Hayer, en allusion à l’absentéisme de l’eurodéputée RN au cours du mandat écoulé. «Oh bah oui, bien sûr», continue-t-il d’ironiser de son côté. «Tout en continuant de privatiser Fret SNCF», lance à son tour l’insoumise Manon Aubry. «Ça c’est le plan de relance qu’on a voté en 2020, qui continue de se décliner…» tente de poursuivre la candidate Renaissance. «Comment vous allez aller chercher cet argent avec le pacte d’austérité madame Hayer ?» interrompt à son tour l’écologiste Marie Toussaint. «C’est le père Noël ce soir», commente encore Bardella.

Raphaël Glucksmann à l’offensive sur la guerre en Ukraine

Après une relative discrétion dans le début des échanges, la tête de liste socialiste se réveille sur les questions internationales. Raphaël Glucksmann explique qu’il faut livrer davantage d’armes à l’Ukraine. «On n’a pas fait notre taff», résume celui qui juge que l’enjeu est la défense de «notre propre sécurité». «On a 26 milliards d’avoirs russes gelés dans nos banques qu’il faut saisir et affecter l’aide à l’Ukraine», poursuit-il avant d’attaquer Jordan Bardella : «êtes-vous toujours pour la fin des sanctions sur le gaz et le pétrole russe ?» Celui qui a fait campagne sur la menace russe et qui mise encore sur le sujet pour se démarquer, affirme que «Marine Le Pen a applaudi l’annexion de la Crimée», et se trouve appuyé sur le sujet par Marie Toussaint. «Derrière l’Ukraine, ce sont nos démocraties qui sont attaquées», affirme l’écologiste. «Oui, il faut continuer à aider l’Ukraine et plus encore. Il faut cesser de financer la machine de guerre russe. Il faut cesser de lui acheter des engrais, du gaz… qui aide Vladimir Poutine à financer son armée.»

«Je considère que ces sanctions étaient d’une hypocrisie très importante», assume de son côté la tête de liste lepéniste, qui précise être en faveur de certaines sanctions, notamment sur le gel des avoirs russes. «M. Bardella, vous êtes pour que l’Union européenne finance la machine de guerre russe pour 1 milliard d’euros par jour, donc 365 milliards d’euros par an», lui répond le socialiste, du tac au tac. «Vous êtes contre, à chaque étape, le soutien à la résistance Ukrainienne», enchaîne-t-il ensuite. Avant une longue diatribe dont voici un florilège : «quand j’étais en Ukraine en 2014, votre parti applaudissait à l’annexion de la Crimée», «vous avez voté contre la résolution du Parlement européen qui condamnait les milices Wagner qui s’en prenaient à nos soldats en Afrique» ; «Vous avez sur votre liste le petit télégraphiste du Kremlin et d’ailleurs aussi d’Aliyev en Azerbaïdjan», dit-il aussi en référence à Thierry Mariani. Stoïque, Bardella balaie ces accusations d’un revers de la main particulièrement sexiste, en les qualifiant de «batailles de sacs à main».

Manon Aubry met sur la table le conflit israélo-palestinien

La tête de liste Insoumise souvent effacée au cours de la campagne par la tonitruante mobilisation de Jean-Luc Mélenchon sur Gaza aux côtés de l’activiste palestinienne Rima Hassan, a essayé malgré tout de défendre ses sujets de prédilection sur le pouvoir d’achat et la lutte contre l’évasion fiscale. Mais alors que le débat va s’achever sur France 2, Manon Aubry ne dévie pas de la stratégie de son mouvement, et profite de la séquence sur les questions internationales pour évoquer la question palestinienne, alors que les députés se sont affichés mardi aux couleurs de la Palestine à l’Assemblée pour dénoncer ce qu’ils estiment être un génocide en cours à Gaza. «On ne peut pas avoir le droit international à géométrie variable. Je défends les civils ukrainiens comme je soutiens les autres citoyens du monde», lance-t-elle, avant de questionner : «Pourquoi ne peut-on pas prendre aussi des sanctions contre le gouvernement de Benjamin Nétanyahou ?»