«Un problème démocratique fondamental.» Voilà comment les socialistes qualifient le débat organisé par France 2 le 23 mai prochain entre le Premier ministre, Gabriel Attal, et la tête de liste du Rassemblement national Jordan Bardella. Pour les roses, engagés dans la campagne européenne derrière le 3e homme du scrutin selon les sondages, Raphaël Glucksmann, une telle joute télévisée à 15 jours seulement de l’élection est susceptible d’altérer la sincérité du scrutin. Alors pour le faire savoir, le premier secrétaire du PS Olivier Faure a pris la plume ce samedi 18 mai afin de saisir l’Autorité de régulation de la communication audiovisuelle et numérique (Arcom), le gendarme de l’audiovisuel.
Duel
Dans son courrier adressé au président de l’institution Roch-Olivier Maistre, le chef des socialistes dit écrire au nom de l’«égalité de traitement entre les différentes listes aux élections européennes et le respect du pluralisme politique». Selon le député de Seine-et-Marne, «un débat organisé pour les élections européennes ne peut se résumer dans notre pays à une confrontation entre la droite et l’extrême droite, excluant de fait toute représentation des formations de gauche». Le face-à-face entre le chef du gouvernement et la tête de liste du parti d’extrême droite représente un problème «d’égalité de traitement» entre les différents candidats affirme Faure. Mais «c’est aussi la question du pluralisme politique qui est posée», poursuit-il. Avant de conclure : «en conséquence, Je vous demande, Monsieur le Président, de vous saisir du sujet et de mettre en œuvre votre pouvoir de régulation pour assurer le respect de l’expression pluraliste du débat politique, et partant de là, la sincérité du scrutin».
Un débat annulé en Italie pour manque de pluralisme
Olivier Faure met notamment en avant une décision prise cette semaine par l’autorité indépendante de régulation des médias italienne, l’AGCOM. Ce mercredi 15 mai, l’agence a effectivement enjoint la Rai à respecter l’égalité de traitement entre les partis alors qu’un débat était prévu sur la chaîne (le 23 mai aussi) entre la Première ministre et tête de liste de son camp, Giorgia Meloni, et la cheffe du Parti démocrate, Elly Schlein. Une demande qui a finalement abouti sur l’annulation pure et simple du face-à-face, la Rai expliquant que seuls quatre des huit principaux partis avaient accepté l’idée d’un débat entre dirigeants. Soit un seuil inférieur à celui demandé par l’AGCOM. «L’annulation du débat italien pose la question d’un traitement analogue du débat sur France 2», estime Faure qui rappelle au passage que Gabriel Attal n’est pas candidat aux élections européennes.
Au-delà d’une demande de respect du pluralisme politique, le PS ne veut pas que la fin de la campagne se résume à un duel entre le Rassemblement national et la macronie. Et d’autant plus alors que leur tête de liste Raphaël Glucksmann talonne de quelques points la candidate Renaissance Valérie Hayer dans certains sondages. Dans le parti au poing et à la rose, on continue de croire au scénario qui verrait l’essayiste dépasser l’eurodéputée dans les enquêtes d’opinion d’ici le 9 juin. Au début du mois de mai un candidat de la liste socialiste expliquait : «à partir du moment où les courbes se croisent et que vous basculez, ça devient très difficile de revenir. Ça donne un état d’esprit dans les médias auprès des gens qui peut se révéler utile pour l’élection.»
L’autorité s’était saisi du sujet dès mercredi
L’Arcom indique de son côté ne pas avoir attendu le signalement d’Olivier Faure pour se pencher sur la question du débat Attal-Bardella. Dès mercredi, décision aurait été prise d’intervenir sur le sujet. Et dans un courrier daté de jeudi, destiné à la présidente de France Télévisions Delphine Ernotte et que Libération a pu consulter, le président de l’autorité Roch-Olivier Maistre indique que «si, dans son principe, l’organisation des débats électoraux relève du libre choix éditorial des médias audiovisuels, elle doit avoir pour corollaire une attention soutenue à l’égard de ceux qui s’en trouvent exclus, et ce, d’autant plus à l’approche du scrutin». Plus loin, l’Arcom juge ainsi que «l’exposition privilégiée dont bénéficieront les deux intervenants est susceptible de compromettre le respect des règles qui s’appliquent au traitement de la campagne en vue des élections européennes». Et enjoint donc France Télévisions à «faire connaître à l’Arcom les dispositions que la chaîne entend mettre en œuvre pour garantir aux autres listes de candidats le plein respect d’une présentation et d’un accès équitables à son antenne».
Mise à jour 19/05 à 11h25. Ajout de l’information selon laquelle l’Arcom a interpellé France Télévisions sur le sujet.