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Libération
Contre-propositions

Face au budget «austéritaire» de Michel Barnier, la gauche veut faire front commun

Le Nouveau Front populaire veut montrer son unité dans les débats budgétaires qui s’annoncent, en portant notamment dix grandes mesures communes.
Des membres du groupe Nouveau Front populaire à l'Elysée, le 23 août 2024. (Stéphane Dubromel/Hans Lucas pour Liberation)
publié le 9 octobre 2024 à 19h43

Les choses sérieuses commencent. Après une longue période de flottement et avec une grosse semaine de retard sur le calendrier légal, le gouvernement doit présenter ce jeudi 10 octobre en Conseil des ministres son projet de loi finances pour l’année 2025. Une étape décisive pour Michel Barnier, à la tête d’une majorité très fragile. D’autant que le Nouveau Front populaire (NFP) ne veut pas faire de cadeau au Premier ministre, co-auteur d’un budget «d’austérité historique» dixit le président LFI de la commission des finances, Eric Coquerel. Malgré les crispations qui rythment le quotidien de la coalition de gauche, les socialistes, insoumis, écologistes et communistes auront à cœur de faire front commun dans le marathon des prochaines semaines.

Pour être prêt, le NFP a commencé à travailler tôt, dès l’été. D’abord dans l’optique de gouverner, puis pour produire des contre-propositions au budget de droite qui allait fatalement être présenté après le refus d’Emmanuel Macron de nommer Lucie Castets à Matignon. Dès sa désignation fin juillet, l’énarque a mis en place des groupes de travaux thématiques composés de parlementaires, de représentants de partis et experts. Les économistes Lucas Chancel et Anne-Laure Delatte ont ainsi collaboré avec la gauche sur le volet économique. «Pour le projet de loi finances, nous avons organisé une dizaine de réunions de travail très intenses en se concentrant sur la partie recettes. Nous avons eu des débats de fond de haute volée. Tout le monde a fait un travail remarquable», salue Lucie Castets auprès de Libé. Le résultat tient en dix «propositions prioritaires», présentées ce mercredi 9 octobre par les membres de la coalition, qui permettraient de récupérer 49 milliards d’euros de recettes nouvelles l’année prochaine. Elles seront ventilées dans des amendements identiques portés par chaque groupe pour bénéficier d’un plus grand temps de parole.

Plusieurs mesures touchant les plus riches uniquement

Concrètement, l’alliance de gauche propose de nouveaux prélèvements comme le retour d’un impôt sur la fortune (ISF) renforcé incluant un volet climatique (15 milliards d’euros), une taxe «sur les héritages dorés» (7 milliards d’euros), une autre sur «les profits et les superdividendes» (au moins 5 milliards) ainsi que sur les transactions financières (2 milliards d’euros). Tout cela «sans toucher aux classes moyennes et populaires et aux petites et moyennes entreprises», assure Castets. «Au contraire, nous proposons d’améliorer leur situation», promet la cofondatrice de l’association Nos services publics. Pour faire «peser l’effort de transition sur les plus gros pollueurs», le NFP entend «mettre fin aux privilèges injustes de l’aérien» en supprimant l’exonération du kérosène sur les vols intérieurs et en augmentant la taxe sur les billets d’avion, étendue aux jets privés. Sans que cela ne concerne la Corse et l’outre-mer, précise l’écologiste Eva Sas. Enfin, dans la suite du rapport Bozio/Wasmer sur les exonérations de cotisations sociales, la gauche suggère de réviser ces allègements dont bénéficient les entreprises et d’en tirer 8 milliards d’euros d’économies.

Compliqué d’abroger les 64 ans

A l’approche des débats, les membres du Nouveau Front populaire affirment tous que certaines de leurs dispositions sauront trouver des majorités en commission et dans l’hémicycle et pourront donc être adoptées. «L’an dernier en commission, 15 milliards d’euros d’amendements visant à taxer les plus grosses fortunes et les riches entreprises ont été votés, je ne vois pas pourquoi ça changerait alors que le rapport de force nous est plus favorable aujourd’hui», note Eric Coquerel. Et si tel n’est pas le cas, l’alliance prévoit bien évidemment des amendements de repli, moins ambitieux mais plus susceptibles d’être approuvés par d’autres groupes. Car la gauche sait que la moindre victoire sera un signal positif envoyé à son électorat. «L’idée, c’est de donner à voir une autre direction et notre capacité à faire aboutir des propositions», confirme la députée communiste Elsa Faucillon. La tâche risque toutefois d’être compliquée concernant les retraites : Eric Coquerel admet que la réforme de 2023 fixant à 64 ans l’âge légal ne peut être abrogée par un amendement. «C’est toute l’injustice de l’article 40», qui rendrait cet amendement irrecevable.

Dans les prochaines semaines, le NFP dit se préparer à se montrer irréprochable dans les débats. Ainsi, des élus provenant des quatre partis de l’alliance – sans se faire d’illusions – assurent qu’ils n’hésiteront pas à soutenir une mesure gouvernementale si elle «va dans le bon sens», selon la formule consacrée. Et notamment les hausses d’impôts pour les 0,3% des plus riches annoncées par Michel Barnier. Les alliés auraient aussi l’intention de se limiter dans le nombre d’amendements déposés pour que les débats aillent à leur terme. Mais surtout pour éviter que le gouvernement et le camp macroniste crient à l’obstruction pour justifier un éventuel recours à l’article 49.3.