De Limoges à Nîmes ou Béziers les scènes de violences urbaines se sont multipliées dès vendredi 18 juillet et se sont poursuivies tout le week-end. Agressions de policiers et de pompiers, voitures incendiées, cocktails molotov, les trois villes moyennes ont été confrontées à des affrontements d’une rare intensité. Le week-end précédent déjà, Auch et Vendôme avaient dû faire face à des épisodes similaires. En première ligne face à ces troubles, les maires s’alarment.
Reportage
«On a vraiment une structuration de guérilla urbaine avec des groupes qui interviennent pour montrer qu’ils sont chez eux, sur leur territoire», a décrit le maire divers droite de Limoges Emile-Roger Lombertie sur RTL dimanche matin. Le même jour, son homologue de Béziers proche du RN, Robert Ménard, a aussi fait part de sa stupeur sur France Info : «Je suis sidéré et en colère, sidéré que quelques dizaines de petits salopards pourrissent la vie de tout un quartier et s’en prennent à la police». A Nîmes, l’édile LR, Jean-Paul Fournier, décrivait vendredi dans un communiqué une «situation devenue intenable à cause de l’action armée des narcoterroristes, créant ainsi un climat de peur et de terreur».
Neuf policiers blessés à Limoges
Dans les trois villes, les tensions ont été extrêmement fortes entre des bandes et les forces de l’ordre ce week-end. A Limoges, des affrontements ont éclaté entre les policiers, dont neuf ont été blessés, et une centaine d’émeutiers. A Béziers, un guet-apens tendu aux pompiers et à la police a dégénéré, faisant un blessé parmi les policiers et provoquant l’incendie d’un appartement touché par un mortier d’artifice. Tandis qu’une huitième fusillade en moins de quinze jours a éclaté à Nîmes, dans le quartier de Pissevin.
Une semaine plus tôt, une course-poursuite avait déclenché des violences à Auch, dans le quartier du Garros. Pompiers et policiers avaient notamment été la cible de jets de pierres et d’incendies. A Vendôme, des forces de l’ordre avaient dû être déployées pour ramener le calme dans le quartier des Rottes alors que deux bandes rivales d’environ 80 jeunes au total s’affrontaient dans les rues.
Couvre-feu instauré dans plusieurs villes
Pour répondre à cette violence, plusieurs villes de France ont mis en place un couvre-feu pour les mineurs. Comme à Saint-Ouen où, depuis le 17 juillet, les jeunes de moins de 16 ans doivent rester chez eux de 23 h 30 à 6 heures du matin. Dans les Yvelines, à Triel-sur-Seine la mesure, encore plus radicale, s’applique à tous les mineurs. Mais les maires de ces deux villes décrivent une mesure d’aide aux parents davantage qu’une décision répressive.
«Les familles, dans les milieux populaires et les classes moyennes, […] n’ont plus les moyens de leurs ambitions éducatives. C’est la raison pour laquelle la puissance publique doit les accompagner», explique Karim Bouamrane, maire (PS) de Saint-Ouen-sur-Seine. «Les parents vont pouvoir demander à leurs enfants ce qu’ils font et être réellement informés de là où ils vont et avec qui ils traînent. On a trop souvent des enfants pris trop tard par la police nationale ou municipale lorsqu’ils font des dégradations», estime de son côté Cédric Aoun, maire (sans étiquette) de Triel-sur-Seine.
Le 11 juillet, la section locale de la Ligue des droits de l’homme (LDH) décriait pour sa part auprès de l’AFP une mesure «complètement inadaptée», «pénalisante et inquiétante» qui contrevient aux «libertés fondamentales d’aller et de venir des jeunes mineurs», de surcroît sur une période de vacances. «Cela introduit une méfiance envers les jeunes : tous sont jugés délinquants, potentiellement», s’indignait la LDH de Poissy et ses environs (dont Triel-sur-Seine), qui étudiait alors «les éventuelles suites à donner».
«Le bilan n’est pas bon»
Mais si des mesures similaires ont été prises dans les trois villes touchées par des violences urbaines ce week-end, le couvre-feu et le déploiement de CRS ne suffisent pas, selon les maires. «Le bilan, pour le moment, il n’est pas bon. On a eu des manifestations de jeunes, personne n’a pu les intercepter et les arrêter, le couvre-feu n’a servi à rien», s’est désolé le Limougeaud Emile-Roger Lombertie. Après les événements survenus dans sa commune, l’édile a déploré les ravages de la précarité et de la disparition des services publics : «Ce sont des quartiers majoritairement marqués par la grande pauvreté qui s’est accumulée au fil des années. […] Les départements ont supprimé les travailleurs sociaux et les éducateurs». Selon lui, «le problème est structurel, idéologique, culturel, social. Et tant qu’on ne regardera pas la réalité en face, on continuera à compter les voitures brûlées».
De son côté, le très droitier Robert Ménard s’est dit «abasourdi, [parce qu’]on s’est donné des moyens colossaux à Béziers pour assurer la sécurité» des habitants «et on a un certain nombre de gens qui nous défient, qui s’en prennent aux forces de l’ordre». «Qu’est-ce que je peux faire de plus ?», s’est-il interrogé tout en assurant : «Je fais tout ce que je peux avec la police municipale, il faut aller plus loin.» Sa requête sécuritaire semble avoir été entendue puisque le préfet de l’Hérault a annoncé dimanche soir l’arrivée d’une section de la compagnie nouvelle génération de la CRS 81 de Marseille, spécialisée dans les interventions dans les cités pour déloger les narcotrafiquants.