C’est une annonce inattendue qui a secoué la Corse lundi 21 juillet. Après seulement neuf mois en poste, le préfet de l’île, Jérôme Filippini, a quitté ses fonctions «pour des raisons strictement personnelles» selon une source proche du dossier. Celui qui avait été préfet de la Réunion, de l’Eure et du Lot, retourne finalement à la Cour des comptes.
Durant ses quelques mois en Corse, Jérôme Filippini a notamment contribué à organiser la venue du pape François, en décembre 2024, une première dans l’île méditerranéenne. Mais ce qui a fait la réputation du préfet, c’est qu’en quelques mois il s’est érigé en figure «antimafia».
Un épisode rapporté par Le Monde illustre l’attitude et la vision du haut fonctionnaire. Le 8 mars, une manifestation est organisée à Ajaccio, répondant à l’appel de deux collectifs antimafia : 1 500 personnes défilent dans les rues jusqu’à la préfecture, où Jérôme Filipinni est attendu. L’homme, d’origine corse du côté de son grand-père, sort. Il escalade une camionnette, et s’y hisse pour crier à la foule qu’au «nom de l’Etat» il dirait «volontiers» «tout le mal que l’on a pu faire par le passé». Il ajoute à destination des nationalistes dans le cortège : «Ceux qui sont en face de moi - que l’Etat a combattus - gagneraient aussi à reconnaître qu’ils n’ont pas bien agi.» Ce jour-là, il l’assure : «Si nous travaillons ensemble, la Corse et l’Etat, nous pouvons triompher de la mafia.»
Quelques jours avant ce rassemblement, il avait été invité à un colloque antimafia à Cargèse, berceau d’Yvan Colonna, par le collectif Massimu Susini, du nom de l’homme assassiné par balle alors qu’il tentait d’enrayer les dérives mafieuses dans sa ville. «La Corse avait besoin de quelqu’un comme lui, regrette Léo Battesti, membre du collectif A Maffià No, auprès d’Ici RCFM. Je ne pense pas qu’il soit remplaçable facilement. Il avait ouvert beaucoup de portes et compromis ce qu’est la réalité mafieuse en Corse.»
Tensions
Plusieurs observateurs voient en ce départ de Jérôme Filippini des tensions avec le ministère de l’Intérieur. Un militant LR rapporte ainsi au Monde que l’épisode à Ajaccio a été «peu apprécié» par Bruno Retailleau, considérant que le préfet «se comporte comme un syndicaliste». L’entourage de Filippini a, selon France 3 Corse Viastella, démenti un départ pour cette raison.
«Ses interventions ont été très remarquées, et notamment par la classe politico-économico-mafieuse qui a été fortement contrariée, ce qui explique son éviction, car c’est une éviction», a revendiqué auprès d’Ici RCFM, Jean-Toussaint Plasenzotti, du collectif Massimu Susini.
Le successeur de Jérôme Filippini prendra ses fonctions le 25 août. Il s’agit d’Éric Jalon, 54 ans, qui a été préfet de Savoie, de Charente-Maritime, et d’Essonne. Il est connu pour sa proximité avec Bruno Retailleau, et pour être passé par les cabinets ministériels de Nicolas Sarkozy et d’Edouard Philippe.