Le tribunal correctionnel de Paris a relaxé le président du Modem, François Bayrou, ce lundi 5 février dans l’affaire des assistants parlementaires européens, «au bénéfice du doute». Le triple candidat à la présidentielle, 72 ans, qui a comparu du 16 octobre au 21 novembre 2023, était présent au moment de l’énoncé de la décision par le président de la 11e chambre correctionnelle. Estimant qu’il était coupable de faits portant «atteinte aux valeurs de probité et d’exemplarité qu’il promeut», le parquet avait requis contre lui 30 mois d’emprisonnement avec sursis, 70 000 euros d’amende et trois ans d’inéligibilité avec sursis, pour complicité, par instigation, de détournement de fonds publics européens. Le tribunal ne l’a pas entendu ainsi.
Deux autres prévenus ont aussi été relaxés, tandis que les huit autres, parmi lesquels figuraient cinq ex-eurodéputés, ont été condamnés à des peines allant de 10 à 18 mois de prison avec sursis, des amendes de 10 000 à 50 000 euros et à deux ans d’inéligibilité avec sursis. L’UDF (devenu MoDem par la suite) a été condamné à 150 000 euros d’amende dont 100 000 euros ferme et le MoDem à 350 000 euros dont 300 000 ferme. «Pour moi, c’est un cauchemar de sept années qui vient de s’achever par une décision sans contestation du tribunal», a déclaré François Bayrou en sortant de la salle d’audience. «Le tribunal a tenu à expliciter qu’il n’y avait eu aucun enrichissement personnel de qui que ce soit», a fait valoir le maire de Pau. «Le tribunal a tenu à démentir l’accusation en disant qu’il n’avait jamais eu de système», a-t-il ajouté, refusant de s’exprimer sur son avenir politique.
11 contrats litigieux
Le haut-commissaire au Plan, proche du président de la République Emmanuel Macron, était soupçonné d’avoir été le «décideur principal» d’un «système frauduleux» ayant consisté, entre 2005 et 2017, à utiliser des fonds européens pour rémunérer des assistants parlementaires qui travaillaient en réalité pour les organisations centristes en France. En cause : 11 contrats litigieux, pour un préjudice total de 293 000 euros selon le Parlement européen, partie civile. Des accusations que François Bayrou a toujours vivement contestées.
A la barre, il avait dénoncé une «intoxication» judiciaire, réfutant longuement l’existence d’un quelconque «système» au bénéfice de son parti. Parmi les autres prévenus figurent l’ex-garde des Sceaux Michel Mercier, 76 ans, cinq anciens eurodéputés dont Jean-Luc Bennahmias, 69 ans, trois cadres et un assistant parlementaire de l’époque. L’accusation avait réclamé à leur encontre des peines allant de huit à 20 mois de prison avec sursis et des amendes entre 10 000 et 30 000 euros, assorties de peines d’inéligibilité, là aussi avec sursis.
Une affaire qui l’avait obligé à quitter le gouvernement en 2017
Deux structures partisanes étaient aussi poursuivies : des amendes de 300 000 euros dont 100 000 ferme et de 500 000 euros dont 200 000 ferme ont été demandées respectivement pour l’UDF et le Modem. Leurs conseils ont plaidé la relaxe, dépeignant un dossier qui n’a fait que se déliter au fil des années (le préjudice a un temps été estimé à 1,4 million d’euros) et qui ne contiendrait que des documents «sujets à interprétation», sans «aucune preuve».
L’enquête sur le Modem avait été ouverte à la suite du signalement d’une eurodéputée d’extrême droite, Sophie Montel, en réponse à celle visant à l’époque le FN, parti que Sophie Montel a ensuite quitté. Dans ce dossier, Marine Le Pen a été renvoyée devant la justice en décembre, aux côtés de son père, de son parti et de nombreux cadres. Ils seront jugés à l’automne 2024 pour des soupçons de détournements à hauteur de 6,8 millions d’euros entre 2009 et 2017.
Cette affaire a complètement contrarié les plans du président du Modem, dont l’offre d’alliance a contribué à l’élection d’Emmanuel Macron. En 2017, de retour au gouvernement pour la première fois depuis vingt ans, il avait quitté la place Vendôme au bout d’un mois, juste après l’ouverture de l’enquête. Depuis, la doctrine de Macron a sensiblement évolué : des ministres ont pu rester en poste jusqu’à la tenue de leur procès. Jugé pour prise illégale d’intérêts, le ministre de la Justice Eric Dupond-Moretti a été relaxé le 29 novembre, une décision définitive.
Mise à jour : à 15 h 18, avec les déclarations de François Bayrou.