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Vote de confiance

François Hollande estime que «le Premier ministre a choisi de précipiter sa chute»

Dans une interview à «la Tribune Dimanche», l’ex-chef de l’Etat juge «irresponsable» l’engagement de la responsabilité du gouvernement dans un contexte de fragilité politique et internationale.

François Hollande en septembre 2024 à Bram, dans l'Aude. (Ulrich Lebeuf/Myop. Libération)
Publié le 07/09/2025 à 16h43

S’il subsistait encore des doutes autour du choix du Parti socialiste sur le vote de confiance, François Hollande en a remis une couche pour les dissiper : en accord avec son groupe, il se prononcera contre François Bayrou lundi 8 septembre. «Plutôt que d’ouvrir une discussion avec les groupes politiques du Parlement et une négociation avec les partenaires sociaux, le Premier ministre a choisi de précipiter sa chute en cette rentrée en sollicitant la confiance d’une Assemblée où il n’y a pas de majorité», a-t-il déroulé dans la Tribune Dimanche ce 7 septembre.

Si, en janvier, François Hollande n’a pas voté en faveur de la censure du gouvernement – il espérait avec ce choix obtenir l’ouverture d’une négociation sur les retraites –, cette fois, pas question de refaire le film. «Le Premier ministre a manqué d’autorité pour lever l’opposition du patronat à la conclusion d’un accord et a cédé aux pressions de l’Elysée», se souvient-il. A l’annonce du vote de confiance par Bayrou, le socialiste entretenait encore le flou sur son vote : «Je ne dis pas que la censure n’est pas à un moment envisageable, elle est aujourd’hui probable, mais s’il doit y avoir un dialogue, il faut qu’il soit poursuivi jusqu’au bout», tergiversait-il au micro de France Inter fin août. Les incertitudes sont désormais envolées et les dernières tentatives de Bayrou pour séduire les socialistes ne suffisent pas. François Hollande a déjà pris sa décision, et engager une telle procédure dans un contexte international bouleversé par les conflits est, selon lui, «une nouvelle faute majeure» après celle de la dissolution.

Un plan d’économies qui «étouffe la croissance»

Outre la question de la méthode politique du locataire de Matignon, c’est son plan d’économies «déséquilibré et injuste» qui poussera François Hollande à précipiter la chute du Premier ministre. «Les deux périodes pendant lesquelles les déficits publics ont diminué par rapport à la richesse nationale sont celle durant laquelle Lionel Jospin a gouverné, de 1997 et 2002, et celle de mon quinquennat, de 2012 à 2017», se targue l’ex-chef d’Etat, manifestement piqué au vif par un François Bayrou qui avait accusé les gouvernements successifs d’avoir laissé filer les déficits. Hollande pointe aussi les faiblesses du plan d’économies présenté mi-juillet. Pour lui, un plan budgétaire qui «n’étoufferait pas la croissance» en abîmant le pouvoir d’achat des Français réunit trois conditions présentes dans les mesures budgétaires présentées par le PS une semaine plus tôt.

La première consiste à modifier la trajectoire du rétablissement des finances publiques à l’horizon 2030 (3 % de déficit est renvoyé à 2032, contre 2029 pour l’actuel Premier ministre), la deuxième est la mise en place de la fameuse taxe Zucman pour «faire contribuer les plus hauts patrimoines». Dans son budget alternatif, le Parti socialiste espère, sur les quelque 27 milliards d’euros de recettes anticipées, en récupérer plus de la moitié avec cette taxe (15 milliards). Enfin, François Hollande veut faire participer «des entreprises à l’effort global de maîtrise de notre dette», alors qu’en juillet un rapport sénatorial suggérait de rationaliser les 211 milliards d’euros versés aux entreprises.

Olivier Faure «a vocation à revendiquer le pouvoir»

Si le député socialiste s’inquiète de voir la crise politique dégénérer «en tourmente financière avec une montée des taux d’intérêt» qui aggraverait la situation des finances publiques, pour lui, contrairement à l’avis de Nicolas Sarkozy, la dissolution n’est pas la solution. Cette option constituerait un haut risque de mettre «le Rassemblement national à Matignon». Sur Olivier Faure, numéro 1 du PS, qui s’est proposé de prendre la suite de Bayrou, il estime la proposition légitime : «Comme premier dirigeant d’un parti du gouvernement, il a vocation à revendiquer le pouvoir», explique François Hollande, selon qui les socialistes détiennent la «clé de la stabilité». Quel que soit le Premier ministre désigné après ce lundi 8 septembre, selon l’ex-chef de l’Etat, «un accord de non-censure doit être le seul objectif».

La nomination d’un Premier ministre par Emmanuel Macron devra en revanche se faire «vite», estime-t-il. D’autant qu’on se souvient encore de la période de transition entre Gabriel Attal et Michel Barnier qui n’avait jamais été aussi longue depuis le gouvernement Georges Pompidou dans les années 1960. Emmanuel Macron n’a donc «plus le droit à l’erreur» pour ce choix qui conditionnera notamment l’adoption d’un budget, mais pas question pour autant d’appeler à sa démission. Fort de son expérience, François Hollande veut croire que le chef d’Etat «est conscient de la pression qui pèse sur lui».