«Le symbole à retenir, en cette veille d’élections européennes, c’est que Jacques Delors n’a jamais perdu sa foi en l’Europe, il en connaissait les difficultés et les résistances, il appelait à une Europe plus sociale. Il a toujours eu face à lui des souverainistes. Lui se présentait comme un fédéraliste, il savait que ses adversaires n’acceptaient pas de faire de l’Europe davantage qu’un marché commun. Aujourd’hui, on revient à ce qu’était l’engagement de Jacques Delors pour qui l’Europe n’était pas seulement un marché commun mais un modèle démocratique. Les populistes, eux, ne veulent plus quitter l’Europe mais y rester, pour la bloquer, la limiter.
A lire aussi
«Jacques Delors voulait, peut-être parce qu’il était de la génération de la guerre et de l’après-guerre, que l’Europe soit un espace politique. Il était favorable à l’élargissement parce que c’était ce que demandaient des pays de l’Est qui, à l’époque, aspiraient à la démocratie. Il considérait qu’il avait le devoir d’accueillir des pays européens comme nous, aujourd’hui, on se dit prêts à accueillir l’Ukraine.
«Je ne crois pas qu’il ait regretté de ne pas avoir brigué la présidence de la République. Il pensait alors qu’il n’aurait pas les moyens politiques de réussir. Il espérait avoir l’appui d’un centre qui se serait émancipé et ce n’est pas venu. Pour lui, le PS était trop étroit et l’alliance avec les centristes impossible. La première raison était celle-ci, il y en a peut-être eu d’autres, plus personnelles. Même si, c’est vrai, il avait été très sensible à toutes les marques de soutien, à l’espoir qu’il avait suscité. Mais, d’une certaine façon, cet espoir n’a pas été perdu puisque Lionel Jospin l’a en grande partie récupéré. A l’époque, Edouard Balladur était donné favori, Jacques Chirac était très affaibli, les sondages montraient que Jacques Delors pouvait gagner. Cela a redonné espoir à une gauche qui était divisée. Lionel Jospin a pu en bénéficier sans s’inspirer de Jacques Delors.
«Jacques Delors était un ingénieur de la politique, un ingénieur du social. L’Europe, pour lui, pouvait être un levier pour développer le social, la démocratie. Il aimait la mécanique de la négociation, du travail collectif, c’était un intellectuel engagé.
«Ce qu’il reste de Jacques Delors aujourd’hui ? Qu’il n’y a pas d’avenir pour la politique si on ne s’appuie pas sur une pratique, sur une méthode, et cette méthode, c’était la social-démocratie.»