Jamais François Ruffin n’avait été aussi proche d’annoncer sa candidature pour la prochaine présidentielle. Dans le Monde, le député de la Somme place ses ambitions. «2027 est une carte qui est sur la table», concède l’élu, en pleine tournée promotionnelle pour son film Au boulot, comédie sociale documentaire sur la déconnexion des classes supérieures. «Il n’y aura pas d’autre chemin qu’un chemin de liberté et d’audace pour répondre à une aspiration profonde du peuple de gauche», ajoute l’élu, qui considère sa candidature comme relevant «de l’ordre de l’évidence».
Le portrait
Après une campagne législative prenante, réélu dans la Somme après avoir été devancé de plus de six points au premier tour, François Ruffin a pris un nouveau départ politique, loin de la France Insoumise avec laquelle il siégeait depuis 2017. Dans son livre Itinéraire. Ma France en entier, pas à moitié, écrit dans l’urgence pendant les législatives et publié le 11 septembre 2024, il avait acté sa rupture avec Jean-Luc Mélenchon qui était devenue inévitable. Un livre qui lui a attiré les foudres d’une partie de la gauche et les louanges de l’autre. Si sa critique frontale de Jean-Luc Mélenchon a plu à certains, le fait de le faire, alors que l’heure était au rassemblement contre l’extrême droite, en a interrogé d’autres. Désormais avec le groupe des Ecologistes à l’Assemblée nationale, aux côtés des députés frondeurs qui n’avait pas été réinvesti par LFI, l’ancien journaliste pourrait bientôt rejoindre la liste des candidats déclarés officiellement, aux côtés d’Edouard Philippe et de Marine Le Pen. S’il se lance dans la course, il pourrait être confronté à son Jean-Luc Mélenchon, qui laisse peu de doute à son envie de se présenter.
Prêt à «débattre avec Bruno Retailleau»
Désormais, celui qui est à l’origine de l’idée d’un front populaire contre l’extrême droite, qui donnera naissance au Nouveau Front populaire, continue de structurer son mouvement. Il s’entoure d’experts pour étoffer sa connaissance des sujets, surtout ceux qu’il maîtrise mal. Sur la question du trafic de drogue, il travaille avec des policiers et des gendarmes et se dit désormais prêt à «débattre avec Bruno Retailleau». Son réseau militant grandit également : selon l’entourage de l’élu, son site internet compterait 400 000 inscrits. Mais le principal manque est une structure politique de poids. A la tête de Picardie Debout, un petit parti local, il n’a plus l’appareil politique puissant qu’il pouvait avoir au sein de la France insoumise. «Même si on est petits avec un nom régionaliste, il n’y a pas d’urgence à voir plus grand», réagi Ruffin dans le Monde.
Mais pour imposer sa candidature, François Ruffin sait qu’il devra s’adapter aux pratiques du monde politique. «La “popol” ne m’a jamais intéressé, mais je ferai avec. Surtout, je fais faire par des élus qui savent mieux que moi», concède l’élu de la Somme. Pour atteindre son but, il ne se met pas de barrière et pourrait notamment échanger avec Raphaël Glucksmann, une autre figure de la gauche hors LFI. Mais pas tout de suite, précise le parlementaire. D’autant que le coprésident de Place publique, son mouvement lancé en 2018, pourrait aussi se lancer dans la course à 2027. S’il l’excluait encore l’année dernière, la dissolution, la création d’un front commun des partis de gauche et le penchement à droite du nouveau gouvernement l’ont fait évoluer.
11 000 adhérents
«Ce n’est pas du tout le moment de parler de 2027», a balayé l’intéressé vendredi matin sur France Inter, sans nier son intérêt pour ce rendez-vous. Depuis cet été, l’eurodéputé donne de plus en plus son avis sur les sujets nationaux, quand il se limitait aux questions européennes au début de sa carrière politique. A l’instar de François Ruffin, Raphaël Glucksmann structure son parti Place publique, qui compte désormais 11 000 adhérents, contre seulement 1 500 avant les européennes. Après avoir organisé ses premières universités en octobre à la Réole, en Gironde, le mouvement va bientôt disposer d’un siège parisien, rue Saint-Maur, dans le Xe arrondissement.
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Avant même de s’être officiellement déclaré candidat, Raphaël Glucksmann sait qu’il peut compter sur plusieurs soutiens politiques, à commencer par des socialistes comme la présidente d’Occitanie Carole Delga ou le maire de Saint-Ouen Karim Bouamrane. Mais pour tenter une aventure présidentielle, le réseau local est nécessaire. En manque d’élus locaux pour le moment, celui qui ne compte qu’un député dans ses rangs (l’ancien ministre Aurélien Rousseau) compte encourager plusieurs maires à se lancer sous l’étiquette Place publique. L’objectif est aussi de «faire monter une nouvelle génération», estime son entourage. D’autant que le député européen est souvent perçu comme trop parisien. «L’ambition, c’est d’aller là où on ne l’attend pas forcément et où il peut bousculer les choses : dans les usines, les milieux ruraux, les banlieues», estime un de ses proches. Avant de se déclarer officiellement candidat.