Voilà quelqu’un qui n’aime vraiment pas être convoqué. Le futur ex-secrétaire général de l’Elysée, Alexis Kohler, a décliné la nouvelle convocation d’une commission d’enquête sénatoriale sur le scandale des eaux en bouteille, invoquant le motif de «séparation des pouvoirs» à la veille de son audition, a indiqué ce lundi 7 avril l’Elysée. Le proche collaborateur d’Emmanuel Macron, qui s’apprête à quitter ses fonctions, devait être entendu par les sénateurs mardi après-midi, dans le cadre de cette commission d’enquête créée en novembre à la suite des révélations de presse sur des traitements possiblement illicites d’eaux minérales.
Recasage
Le sénateur socialiste Alexandre Ouizille, rapporteur de cette commission d’enquête, s’est dit «surpris» de cette décision. «Cela ne correspond pas à l’esprit qui était celui des échanges qu’on a eus avec l’Elysée», a-t-il regretté, rappelant que la présidence de la République avait accepté de livrer des documents à cette commission d’enquête. «Je ne vois pas en quoi le fait de nous envoyer des documents ne serait pas couvert par le principe de séparation des pouvoirs et pourquoi le fait de venir en audition le serait. C’est une incohérence», a-t-il ajouté, sans vouloir s’avancer sur d’éventuelles poursuites judiciaires postérieures à ce refus.
Ni «entente» ni «connivence»
Cette audition était particulièrement attendue depuis de nouvelles révélations en février concernant une rencontre entre des représentants de Nestlé et Alexis Kohler, à la suite de laquelle le gouvernement aurait autorisé le plan de transformation du groupe. Ce plan consiste à retirer les traitements non conformes (filtres à charbon et UV) et à les remplacer par une microfiltration à 0,2 micron, dont la légalité a fait l’objet de nombreuses auditions de la commission. Emmanuel Macron avait démenti être au courant de cette rencontre, ajoutant qu’il n’y avait eu ni «entente» ni «connivence», et Nestlé a de son côté démenti avoir exercé une forme de lobbying.
Alexis Kohler, qui quittera l’Elysée mi-avril après huit ans aux côtés du président de la République, avait déjà décliné la convocation d’une commission d’enquête de l’Assemblée nationale sur le dérapage budgétaire à la fin de l’hiver, invoquant les mêmes raisons. Après avoir entendu des dizaines de personnes, dont trois ministres ou anciens ministres, leurs collaborateurs, des dirigeants de Nestlé, des ONG, des élus locaux, des responsables de l’administration mais aussi les journalistes à l’origine des révélations ou des chercheurs spécialistes des eaux, la commission est en passe de conclure ses auditions.
Soupçons
Le directeur général de Nestlé, Laurent Freixe, sera auditionné mercredi, une «dernière chance» pour le groupe d’expliquer pourquoi des traitements non conformes ont été mis en place et quand, selon le président de la commission Laurent Burgoa, qui a plusieurs fois déploré le manque de coopération de l’entreprise. Le rapport de la commission sera présenté le 19 mai.
Récidiviste
Ce n’est en tout cas pas la première fois qu’Alexis Kohler refuse de se présenter devant une commission parlementaire. En février, la commission des finances de l’Assemblée nationale, qui enquête sur le dérapage des finances publiques, voulait interroger le secrétaire général de l’Elysée qui ne s’est pas présenté dans un premier temps, avant, déjà, d’invoquer le principe de séparation des pouvoirs.
Les députés membres de cette commission ont voté, à 40 voix contre 21, en faveur de l’envoi d’une nouvelle convocation et ont, par la même occasion, donné leur aval pour engager une procédure pénale si le secrétaire général refuse à nouveau de se présenter devant eux. Selon une ordonnance du 17 novembre 1958, toute personne dont une commission d’enquête a jugé l’audition utile est tenue de respecter la convocation qui lui est délivrée. La personne qui ne comparaît pas ou refuse de déposer ou de prêter serment devant une commission d’enquête est passible de deux ans d’emprisonnement et de 7 500 euros d’amende.