Sans grande compassion, un vieux routier de l’Elysée scellait dès le début du mois d’octobre le destin de Frédéric Michel : «Il doit comprendre tout seul qu’il doit partir.» Toute la gestion des ressources humaines d’Emmanuel Macron, réputé incapable de virer un proche, est ici résumée en une phrase. Le «conseiller spécial communication et stratégie» du chef de l’Etat a donc fini par tirer les leçons de sa disgrâce. «Ce fut un vrai honneur de travailler pour le président Macron ces deux dernières années dans un rôle très spécial», annonce-t-il dans un post sur le réseau Linkedin.
En septembre 2022, sa nomination au début du second quinquennat d’Emmanuel Macron avait intrigué. Frédéric Michel revenait à Paris auréolé d’un CV international et prestigieux. Strauss-kahnien dans sa jeunesse, proche du New Labour britannique, lobbyiste du groupe de médias de Rupert Murdoch… rien à voir avec le profil de ses prédécesseurs passés par l’ENA, le militantisme politique, les cabinets ministériels ou la fine fleur des agences de communication parisiennes.
A son arrivée, il synthétise son rôle dans une formule qui le poursuivra : «Je suis là pour faire le legacy du Président.» Le premier, et le plus connu, des nombreux anglicismes qui font ricaner sous cape les troupes du Président. Construire le «legacy», l’héritage en bon français, de dix années de mandat d’Emmanuel Macron est donc l’objectif de Michel. L’ambition est double : à l’étranger, parfaire sa stature internationale, le montrer à l’initiative et tenter d’engranger des succès diplomatiques. En France, raconter à l’opinion publique le récit d’un pays réparé, voguant vers le plein-emploi et triomphant de ses tensions sociales et communautaires. Un an plus tard, le bilan est pour le moins mitigé. Le second quinquennat a-t-il vraiment commencé ?
Auprès des journalistes comme des communicants de la majorité, Michel peine à faire oublier «Clément» Leonarduzzi et «Jonathan» Guémas. Le premier, responsable de la communication d’Emmanuel Macron de 2020 jusqu’à sa réélection en 2022, et le second, ex-plume du Président, tous les deux partis chez Publicis après la campagne, font l’objet d’une intense nostalgie en Macronie. Leonarduzzi était réputé répondre vite à toutes les sollicitations. Un porte-parole ou un ministre saisi d’un doute avant une interview matinale pouvait lui écrire avec l’assurance d’obtenir un conseil en retour. Michel, lui, est plus inégal dans ses réponses. Quand réponse il y a. De l’extérieur, Leonarduzzi et Guémas sont toujours là pour éclairer les journalistes, les élus de la majorité et, surtout, le chef de l’Etat lui-même. La formule des «cent jours» d’action au lendemain de la réforme des retraites ? Signé Leonarduzzi. Le concept d’une «écologie à la française» défendu par le Président ? Du Guémas dans le texte.
A la longue, Michel se fait des ennemis. Un ministre médiatique garde en travers de la gorge une soufflante que le communicant lui a passée après une interview pour laquelle il n’avait pas pris le temps de le briefer au préalable. Des proches du Président glosent sur ses allers-retours réguliers à Londres. Le Canard enchaîné s’en fait l’écho. A la mi-novembre, le Figaro révèle qu’il a testé auprès de la Haute Autorité pour la transparence de la vie publique un retour dans le privé. «Je sais que je ne suis pas sur le départ», rétorque-t-il au quotidien. Sans convaincre.