De quelle couleur, le mur sur lequel les macronistes devaient se fracasser aux élections européennes ? Bleu marine, la teinte du Rassemblement national (RN) et de sa tête de liste, Jordan Bardella, que les sondages placent en moyenne dix points au-dessus de celle de la majorité présidentielle. Sauf que le camp du chef de l’Etat commence à reprendre espoir depuis la nomination de Gabriel Attal à Matignon, aussi populaire et efficace sur les plateaux que le président du RN. En pleine tournée des vœux, les députés macronistes se réjouissent des bonnes réactions de leurs électeurs. «Il a une popularité très forte sur le terrain. Dans ma circonscription rurale, on sent bien depuis quelques mois que quelque chose se passe autour de Gabriel. Ce n’est pas une popularité factice», assure le député du Bas-Rhin, Charles Sitzenstuhl. Bruno Le Maire lui-même célèbre un choix «très habile et très malin de la part du Président» dans la Dépêche. «C’est une bonne réponse au phénomène Bardella», se félicite le patron de Bercy. «C’est une solution qui peut créer les conditions d’une dynamique d’une campagne européenne qui n’a pas encore trouvé son souffle», ajoute un cadre du groupe Renaissance à l’Assemblée.
En tant que nouveau chef de la majorité, le Premier ministre compte s’impliquer dans la campagne des européennes et prendra part à des meetings. De quoi pallier un manque de surface médiatique ou de notoriété d’une tête de liste que la majorité présidentielle n’a toujours pas choisie. Pour l’heure, le secrétaire général de Renaissance, Stéphane Séjourné, président du groupe centriste Renew à Strasbourg, a confié son «envie de mener la bataille» à Politico, sans plus s’avancer. D’autres concurrents pourraient sortir du bois, une fois que Renaissance et ses alliés du Modem et d’Horizons auront ouvert le processus de désignation. Dans les rangs macronistes, un partage des rôles entre Séjourné, habile manœuvrier et spécialiste des arcanes européennes, et Attal, en première ligne sur les enjeux nationaux, est un scénario poussé par certains, même si le fait que les deux soient ex compagnons est un sujet délicat.
«On fait une erreur»
Considérations personnelles mises à part, c’est surtout le fait de pousser Attal en première ligne de la campagne des européennes qui fait tiquer une partie des troupes du Président. «On fait une erreur en pensant qu’il faut positionner notre Premier ministre comme le rempart à Bardella. Ça voudrait dire qu’on veut faire de l’élection européenne une élection nationale. Il n’y a rien de mieux pour le cramer ! alerte le député Modem Richard Ramos. Il faut arrêter de dire que c’est le meilleur face à Bardella, mais que l’on va s’occuper des préoccupations des Français.» Même s’il a jugé mercredi Attal «très doué, très talentueux» et «très populaire», l’ancien Premier ministre Edouard Philippe a rappelé publiquement ses réserves mercredi après-midi. «Pour ma part, j’avais plaidé pour le maintien de la Première ministre au moins jusqu’aux échéances européennes en me fondant sur l’idée qu’il est difficile de changer de Premier ministre si vous ne changez ni de politique, ni de majorité», a-t-il déclaré au cours d’un événement organisé par Amundi, plus grand gérant d’actifs européen.
Récit
Si le résultat au soir du 9 juin s’avère aussi mauvais que les sondages le promettent aujourd’hui, à quoi aura servi d’user la cartouche Attal dès janvier ? «Notre électorat est composé majoritairement de gens plus âgés que Gabriel Attal, observe le député Renaissance Stéphane Travert. Il y a un enjeu de remobiliser la jeunesse autour de projets nationaux.» Faire revenir les jeunes dans les isoloirs est une priorité vitale pour les européennes, où l’abstention est traditionnellement élevée. «Il va falloir faire une élection de mobilisation», juge un conseiller macroniste. Un pari de plus pour le nouveau Premier ministre.