Il en fallait plus que le retour de Manuel Valls, Elisabeth Borne ou Gérald Darmanin au gouvernement pour bousculer les habitudes des habitants du Puy-en-Velay (Haute-Loire) ce mardi 24 décembre au matin. A la veille de Noël, dans le froid hivernal, la place de la mairie et les rues de la vieille ville sont bondées de Ponots qui effectuent leurs derniers achats pour les fêtes de fin d’année, au milieu des décorations. Comme Marie-Christine, retraitée, qui se rend au marché pour préparer son repas du réveillon : «Ce nouveau gouvernement c’est bonnet blanc et blanc bonnet», souffle-t-elle.
Sur les 35 nouveaux ministres, 19 faisaient déjà partie du gouvernement Barnier, quand d’autres font leur retour. Ce qui laisse place à un sentiment d’agacement chez certains habitants interrogés. «Ça commence à devenir n’importe quoi, s’agace Mona, étudiante, croisée dans les allées du jardin Henri-Vinay. On prend les mêmes et on recommence. La majorité des politiciens ne pensent qu’à eux, à leur carrière et nous, le peuple, on en prend plein la gueule. On est dans deux univers différents.» Un avis partagé par Cécile, une quadragénaire emmitouflée dans son écharpe qui promène son chien quelques mètres plus loin : «On n’a plus de grand politique. Seulement des gens dirigés par des ambitions personnelles. Ceux qui sont au pouvoir s’intéressent seulement à leur intérêt.» Marie-Christine abonde, résignée : «De toute façon, nous les Français on ne voit plus le bout du tunnel, il n’y a plus d’idéaux politiques.»
«J’étais abasourdi»
Dans les rues piétonnes de la vieille ville, Henri, un quinquagénaire technicien dans l’énergie, lance : «Quand j’ai vu la composition du gouvernement lundi, j’étais abasourdi. Le gouvernement s’extrême-droitise. Et une fois de plus, on voit que le vote à gauche n’a pas été pris en compte.» Il rit jaune : «Et Valls… c’était vraiment la cerise sur le gâteau. Si on veut mettre les gens en colère, on ne s’y prend pas autrement.»
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Face à cette nomination, et plus largement, aux deux quinquennats d’Emmanuel Macron, les Ponots déplorent une déconnexion grandissante des personnalités politiques nationales. «Je suis persuadé que ce sont des gens qui sont déconnectés de ce que nous vivons, affirme Romuald, un quadragénaire artiste-peintre. Il y a encore moins d’écoute sur les besoins des citoyens qu’avant. Depuis Macron, alors que j’étais un idéaliste, je me suis dit : “Arrête de rêver, rien ne pourra s’arranger.”» Selon lui, «à chaque fois qu’on les entend parler, ils apparaissent comme des chefs d’entreprise, pas comme des chefs d’Etat».
La politique, «il faut que ce soit une passion»
Une crise politique et des attitudes qui vont jusqu’à créer une réelle aversion à l’encontre du monde politique, à l’image de cette habitante du Puy qui lâche un «ça me dégoûte, je n’ai même pas envie d’en parler» avant de partir précipitamment dans une ruelle adjacente avant même qu’on ait pu lui demander son prénom. Comme elle, de nombreux habitants affichent leur détachement face à une situation qu’ils considèrent ne plus leur appartenir. «Depuis une dizaine d’années je me suis désintéressée de la politique, commence ainsi Honorine Fraisse, coach de vie en spiritualité. Avant c’est quelque chose que je suivais beaucoup. Maintenant je trouve que ceux au pouvoir ne le sont plus pour le bien des gens.» De son côté, Marie-Christine, la retraitée croisée sur le marché, s’inquiète grandement de cette déconnexion : «Je ne vois pas comment les choses peuvent s’améliorer si on ne s’intéresse pas aux gens. Ça ne va pas aller. J’ai peur pour les jeunes, pour leur avenir.»
Face à la situation, certains tentent de trouver des solutions pour reconnecter politiques et citoyens. Honorine Fraisse pense «qu’il faudrait que la politique cesse d’être un métier». «Il faudrait qu’une loi les oblige à sortir du monde du travail, poursuit la trentenaire. Car faire de la politique devrait être une vocation, pas une envie d’avoir du pouvoir ou de l’argent.» Marie-Christine propose quant à elle de se baser sur le modèle scandinave : «Les ministres ne devraient pas être payés. Il faudrait juste subventionner leurs dépenses. Il faut que ce soit une passion.» D’autres gardent encore espoir en la politique, comme Henri : «J’ai toujours été intéressé et je continuerai de m’y intéresser. Je continuerai de me battre pour empêcher les idées d’extrême droite qui nous mènent droit dans le mur de proliférer.»