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Gouvernement Borne: au Travail, Olivier Dussopt en route vers le «plein-emploi» et un conflit sur les retraites

L’ancien socialiste quitte son portefeuille des Comptes publics et prend du galon dans un contexte favorable, le taux de chômage étant au plus bas depuis 2008. Mais la réforme de l’âge légal de départ à la retraite, qui lui échoue, risque d’être houleuse.
Olivier Dussopt le 7 mai, à Paris. (Ludovic Marin/AFP)
publié le 20 mai 2022 à 18h17

Comme Elisabeth Borne, qui l’a précédé et qui occupe désormais Matignon, il est, selon la formule consacrée, «issu de la gauche». C’est sans doute ce qui justifie, en partie, que l’ex-socialiste Olivier Dussopt quitte Bercy, où il était ministre délégué chargé des Comptes publics, pour prendre la tête d’un ministère «du Travail, du Plein-Emploi et de l’Insertion». Cet ancien proche de Benoît Hamon qui a aussi été porte-parole de Martine Aubry parviendra-t-il à porter efficacement la promesse macronienne d’une «nouvelle méthode» de dialogue social qui ferait oublier la verticalité extrême du précédent quinquennat ? Pas sûr, car de l’eau a coulé sous les ponts depuis : lors de la primaire socialiste de 2017, Olivier Dussopt avait soutenu Manuel Valls. Et en faisant son entrée au gouvernement d’Edouard Philippe dès novembre 2017, geste qui lui a valu son exclusion du PS, il est devenu un macroniste des plus fidèles, menant notamment la réforme de la fonction publique de 2019 qui comprenait, entre autres, l’imposition des trente-cinq heures à toute la fonction publique.

Au moment de prendre ses fonctions, le quadragénaire, ancien benjamin de l’Assemblée nationale, a de la chance : il hérite d’un taux d’emploi des 15-64 ans à son plus haut niveau historique (68%), et d’un taux de chômage qui s’affiche au plus bas depuis 2008, à 7,3% de la population active (hors Mayotte) au premier trimestre. Et ce, malgré la spectaculaire secousse qu’a représentée la crise sanitaire en 2020. L’intitulé de son ministère, savant mélange de descriptif pur et de pensée magique, dit bien ce que sera sa principale feuille de route : atteindre, d’ici 2027, le «plein-emploi», un objectif aussi flou qu’ambitieux que s’est fixé Emmanuel Macron durant la campagne présidentielle et qui consisterait, grosso modo, à ramener le taux de chômage autour de 5%. C’est peu de dire que la conjoncture économique, soumise depuis trois mois à la guerre d’invasion russe en Ukraine, pourrait en décider autrement.

Transformation de Pôle Emploi

En attendant, le chef de l’Etat croit aux vertus des outils qu’il a déjà mis en place. Comme sa dernière réforme de l’assurance chômage, qui frappe au portefeuille les demandeurs d’emploi les plus précaires en réduisant leurs allocations. Selon la consigne élyséenne, Olivier Dussopt devra aller plus loin en instaurant un système plus dur quand la conjoncture s’améliore, et plus protecteur quand elle se dégrade. Et trouvera sans doute sur son chemin les syndicats de salariés, qui s’étaient unanimement opposés à la dernière réforme.

La poursuite de la refonte de la formation professionnelle et la transformation de Pôle Emploi en «France Travail», promesse d’un guichet unique réunissant les différents acteurs de l’emploi, font aussi partie de ses missions. Enfin, il lui faudra négocier avec Bercy les suites qui seront données aux très généreux dispositifs publics (le plan «1 jeune 1 solution» et ses près de 10 milliards d’euros) qui ont encouragé les entreprises à embaucher plus de 700 000 apprentis en 2021 (un record).

Le dossier retraite

Mais le plus gros chantier d’Olivier Dussopt se trouve peut-être ailleurs : dans la mise en œuvre de la proposition la plus controversée du chef de l’Etat réélu, le report de l’âge légal de départ en retraite, qui doit atteindre 65 ans en 2031. Ce dossier lui échoit en effet, a confirmé son entourage à Libération, avec en son cœur la grande «concertation» promise par Emmanuel Macron sur le calendrier de la réforme, les carrières longues, la pénibilité et la revalorisation de la pension minimale pour une carrière complète.

Même flanqué d’Elisabeth Borne, que les responsables syndicaux connaissent et respectent humainement, Olivier Dussopt aura fort à faire pour rendre acceptable à leurs yeux une réforme qu’ils jugent tous injuste et reposant sur des postulats démographiques, politiques et financiers contestables. Le secrétaire général de la CFDT, Laurent Berger, a d’ailleurs rappelé jeudi sur BFM TV qu’elle provoquerait immanquablement de la «conflictualité», un terme lourd de sens dans la bouche de ce modéré.

Sur un plan plus personnel, Olivier Dussopt est toujours sous la menace, depuis l’été 2020, d’une enquête du Parquet national financier pour «corruption» et «prise illégale d’intérêts». En 2017, celui qui était maire d’Annonay (Ardèche) avait reçu deux lithographies en cadeau de la part de la Saur, une entreprise de gestion de l’eau avec laquelle un contrat était justement en train d’être négocié par sa commune.