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Grâce au RN, Bayrou échappe à la censure

La motion de censure défendue par les socialistes mardi 1er juillet n’a pas été adoptée, ne recueillant que 189 voix. Comme attendu, le RN n’a pas apporté ses voix.
François Bayrou à Paris, le 26 juin 2025. (Albert Facelly/Libération)
publié le 1er juillet 2025 à 20h23

Les promesses n’engagent que ceux qui y croient et les socialistes y ont cru. Au lendemain de son discours de politique générale, en janvier, François Bayrou s’était engagé auprès de la gauche à lancer une concertation sur les retraites, «sans totem» ni «tabou», pas même l’âge légal de départ, repoussé en 2023 de 62 à 64 ans… Seule condition, «unique mais fondamentale», fixée à l’époque par le Premier ministre : permettre le retour à l’équilibre du système des retraites d’ici à 2030. Aux parlementaires PS, Bayrou avait aussi promis que le Parlement aurait le «dernier mot». Vendu.

Six mois plus tard, les socialistes accusent Bayrou de «trahison». A l’issue du «conclave» entre syndicats et patronat, et du refus net du locataire de Matignon de revenir sur l’âge, ils ont défendu mardi 1er juillet une motion de censure. Sans les voix du Rassemblement national, celle-ci n’avait aucune chance de faire chuter le gouvernement. Avec 189 voix, loin de la majorité absolue (289), la motion a échoué.

Bayrou accusé de «déshonneur» et d’«immobilisme»

Mécontent de voir le chef du gouvernement remballer ses promesses, le PS comptait avec cette motion se réancrer dans l’opposition, après avoir refusé, en février, de voter une précédente censure avec le reste de la gauche. A la tribune, la députée de Meurthe-et-Moselle, Estelle Mercier, a accusé Bayrou d’avoir «choisi le déshonneur» en «rompant [sa] promesse». Le parti ne digère pas le refus du gouvernement de revenir sur l’âge de départ et celui de déposer devant le Parlement un texte le remettant en cause. «Les Français ne veulent toujours pas de la réforme de 2023», a aussi lancé Stéphane Peu (Gauche démocrate et républicaine, GDR), critiquant les «errements» et la «duplicité» du Premier ministre.

Au-delà des retraites, la gauche s’en est prise à «l’immobilisme» du Béarnais. «Vous vous gargarisez d’avoir tenu plus longtemps à Matignon que Michel Barnier ou Bernard Cazeneuve, mais votre seul héritage visible, c’est un arbre, a considéré Estelle Mercier. Un arbre planté à la va-vite, comme votre politique. Sans racines, sans vision et déjà en train de dépérir.» Et l’élue de lancer à l’agrégé de lettres, biographe d’Henri IV : «L’histoire gardera de vous que, tel Ravaillac, vous avez poignardé vos engagements !»

Face à un hémicycle dégarni, Bayrou a ironisé sur la huitième motion essuyée depuis sa nomination. Aux socialistes, il a rétorqué qu’il «y aura un projet de loi» comprenant les «avancées réelles du conclave». «Vous vous retrouvez le bec dans l’eau, a-t-il répondu aux troupes de Boris Vallaud, ce qui, par les temps de canicule que nous vivons, peut avoir des aspects rafraîchissants, mais n’est pas une position durable.»

Le RN donne rendez-vous à la rentrée pour le budget

Osant ce trait d’humour malgré le sursis planant au-dessus de sa tête à l’approche de l’examen du budget, l’argentier Bayrou a prévenu que la situation budgétaire n’était pas tenable : «Nous allons nous perdre dans notre désendettement.» Assumant de ne pas vouloir revenir sur l’âge de 64 ans, le chef du gouvernement a dramatisé en évoquant un «risque d’une guerre de générations», de «péril mortel pour notre modèle social». Quand les syndicats déplorent un «conclave» décevant, Bayrou claironne les «progrès» de cet exercice de «démocratie sociale» qu’il vénère. Au premier rang de ces «progrès», un consensus des acteurs sociaux sur le caractère «incontournable» de l’âge de départ… Autre «progrès» : l’âge d’annulation de la décote, actuellement de 67 ans, qu’il faut attendre pour partir à taux plein si l’on n’a pas cotisé tous ses trimestres, et qui pourrait être ramenée à 66 ans et demi. Un lot de consolation scandaleux, proteste la gauche. «Je nie absolument que le conclave ait été un échec, a persisté Bayrou. Même minoritaire, je crois profondément à la démocratie sociale.»

Peu présentes dans l’hémicycle, ses troupes du socle (de moins en moins) commun ont défendu de leur côté la réforme de 2023. «Notre système de retraites hypothèque notre avenir», a jugé Stéphane Vojetta (Ensemble pour la République, EPR). Macronistes, élus d’Horizons, du Modem et du parti Les Républicains s’en sont surtout pris à la gauche, accusée de vouloir jouer l’instabilité en censurant Bayrou.

S’il n’a pas voté la censure ce mardi, bien qu’«attaché à l’abrogation de l’injuste réforme» de 2023, le RN fait (toujours) monter la pression et donne rendez-vous à l’automne pour l’examen des lois de finances. «Nous censurons quand c’est utile pour le pays, a assuré Gaëtan Dussausaye (RN). Quand cela permet concrètement et immédiatement de protéger les Français de mauvaises décisions prises par le gouvernement.» Les lepénistes attendent le «moment de vérité» que sera le budget examiné à l’automne, après que les pistes d’économies doivent être annoncées par Bayrou mi-juillet. Le RN dresse déjà la liste de ses réticences, comme le décret pluriannuel de l’énergie, de «nouveaux coups portés contre le pouvoir d’achat», selon Dussausaye ou des impôts ou des taxes sur les entreprises. Un sursis accordé à Bayrou ? «La pression monte, a prévenu de son côté Laurent Panifous (Liot). Ne vous y trompez pas.»