Après l’image solennelle des députés et sénateurs écoutant debout, dans leurs hémicycles respectifs, la lecture d’une lettre d’Emmanuel Macron, celle des candidats à l’élection présidentielle assis à la table du Premier ministre. L’exécutif s’est encore efforcé lundi d’afficher son «esprit de gestion démocratique, républicaine de la crise» russo-ukrainienne, a débriefé le porte-parole du gouvernement, Gabriel Attal, présent à la réunion de suivi du conflit qui s’est tenue à Matignon. Pendant que le président de la République s’entretenait de nouveau avec Vladimir Poutine pour réclamer l’arrêt des frappes contre les civils en Ukraine, c’est Jean Castex qui se chargeait de recevoir les prétendants dans la course à l’Elysée, quelques heures après un Conseil de défense. Alignés face au chef du gouvernement, Fabien Roussel (PCF), Anne Hidalgo (PS), Yannick Jadot (EE-LV), Valérie Pécresse (LR), Eric Zemmour (Reconquête), Marine Le Pen (RN) et Nicolas Dupont-Aignan (Debout la France). La rencontre de près de deux heures, organisée «à la demande du président de la République», selon Gabriel Attal, visait à leur «donner toutes les clés de lecture sur la stratégie» française, au cinquième jour du conflit.
Analyse
Jean Castex avait déjà réuni vendredi les présidents de groupes de l’Assemblée nationale et du Sénat, et les présidents des commissions de la défense et des affaires étrangères, réactivant grosso modo le cadre des «comités de liaison parlementaire» mis en place lors de la crise sanitaire. Accusé durant l’épidémie de Covid-19 de prendre ses décisions en solitaire, dans le huis clos des Conseils de défense, l’exécutif tente, lors de cette nouvelle crise, sinon d’associer, du moins d’informer les forces politiques. Il fallait toutefois, pour les candidats, avoir collecté plus de 300 parrainages d’élus pour recevoir son carton d’invitation. Seuil trop haut pour Christiane Taubira qui plafonne toujours à 128 signatures au dernier comptage établi par le Conseil constitutionnel et a «découvert cette règle», un poil arbitraire, dimanche soir.
La campagne au second plan
Déjà sur la ligne de départ, Nathalie Arthaud (Lutte ouvrière) et Jean Lassalle avaient, quant à eux, décliné. Jean-Luc Mélenchon (LFI), qui doit rentrer mardi de son déplacement à la Réunion, devrait être reçu mercredi. «Il aurait été de bon ton que ce soit le président de la République qui reçoive les candidats à l’élection présidentielle, le rôle du Premier ministre est plutôt de travailler avec l’Assemblée nationale, le Sénat», a tout de même fait valoir, lundi matin sur France Info, un Yannick Jadot décidé à demander au Premier ministre «le type d’armes de défense que nous envoyons à l’Ukraine». Valérie Pécresse devait, de son côté, réunir lundi soir à son QG «un conseil stratégique de défense», façon shadow cabinet, avec d’anciens ministres de la Défense (Michèle Alliot-Marie, Hervé Morin et Gérard Longuet), l’ancien négociateur pour le Brexit, Michel Barnier, et l’eurodéputé Arnaud Danjean.
La guerre en Ukraine relègue logiquement au second plan la campagne présidentielle française, bouleversant les programmes des candidats et amenant chacun à prendre position sur le conflit, les sanctions infligées à Moscou ou l’accueil des réfugiés ukrainiens. Absorbé par son agenda diplomatique, le président sortant cherche, lui, toujours, la bonne fenêtre pour déclarer sa candidature, a priori cette semaine, mais son équipe a d’ores et déjà fait savoir qu’Emmanuel Macron ne tiendrait pas le meeting initialement prévu ce week-end à Marseille. Un débat sans vote sur la situation ukrainienne doit en revanche avoir lieu mardi après-midi au Parlement.