Cela ressemble à un ballon d’essai mais, en laissant dire qu’il pourrait éventuellement augmenter des impôts notamment celui sur les sociétés, Michel Barnier a mis la macronie dans tous ses états. Car pour le chef des députés Ensemble pour la République, Gabriel Attal, c’est niet : demandeur d’une clarification du Premier ministre sur la «ligne politique» de son successeur à Matignon, le député des Hauts-de-Seine avait prévu une arrivée groupée, ce mercredi matin à Matignon pour en savoir plus sur les intentions du futur gouvernement. Mais le rendez-vous a été annulé une demi-heure avant. Suivi d’une déclaration du Premier ministre transmise à la presse : «La situation budgétaire du pays que je découvre est très grave. J’ai demandé tous les éléments pour en apprécier l’exacte réalité. Cette situation mérite mieux que des petites phrases. Elle exige de la responsabilité.» Les troupes présidentielles apprécieront.
On résume donc cette nouvelle situation ubuesque : les macronistes battus deux fois lors des dernières élections s’opposent à des hausses d’impôts envisagées par un Premier ministre venu de la droite. Une fois n’est pas coutume, Gérald Darmanin est d’accord avec Gabriel Attal. «Je ne participerai pas à un gouvernement qui ne soit pas clair sur la question des impôts», a déclaré le futur ex-ministre de l’Intérieur sur France 2 ce mercredi matin. Mais tous les membres de la désormais minorité présidentielle ne sont pas aussi arrêtés sur la question. Sur RTL, Yaël Braun-Pivet a semblé ouvrir la porte. «Il faut une fiscalité qui soit juste et que l’effort soit partagé entre tous», a jugé la présidente de l’Assemblée, posant tout de même comme condition que la croissance ne soit pas affectée.
«Un effort exceptionnel et raisonnable sur les gros contribuables»
Dans l’entourage de Michel Barnier, on minimise les ambitions réformatrices de l’ancien commissaire européen, histoire de ne pas braquer trop vite les troupes macronistes, indispensables à la survie du futur gouvernement. «La seule chose dite par le Premier ministre est qu’il ne s’interdirait pas d’aller dans le sens d’une plus grande justice fiscale», fait-on savoir. Et de renvoyer à des «rumeurs», des «on-dit», et des «spéculations». «Le Premier ministre analyse la situation budgétaire et aucune option n’est aujourd’hui arrêtée», assurait encore son cabinet en réponse à ces premières tensions.
Le billet de Thomas Legrand
Michel Barnier se trouvera un allié en la personne du gouverneur de la Banque de France, François Villeroy de Galhau, qui a appelé mardi à «lever le tabou sur les hausses d’impôts» avec «un effort exceptionnel et raisonnable sur certaines grandes entreprises et gros contribuables» afin de réduire les déficits, «tant qu’on n’est pas revenu sous 3 %» de déficit public. Un objectif qui est loin d’être atteint si l’on en croit les déclarations du premier président de la Cour des comptes, Pierre Moscovici, ce mercredi matin. «L’objectif de déficit pour l’année 2024 [de ramener le déficit public à 5,1 % du PIB] ne sera pas atteint», a-t-il fait savoir, ajoutant que les finances publiques étaient fortement dégradées.
Mise à jour à 10 h 55 avec les déclarations de Pierre Moscovici.