A 21 ans, Louis Boyard aurait pu être le plus jeune député de l’histoire de la Ve République. C’était sans compter l’élection, le même jour, de Tematai Le Gayic, lui aussi né en 2000 mais de deux mois son cadet. Dans la 3e circonscription du Val-de-Marne, l’insoumis a battu le député sortant et rapporteur du général du Budget, Laurent Saint-Martin, en récoltant près de 52 % des suffrages.
«Rupture générationnelle»
«On a sous-estimé ma candidature parce que je suis un jeune de 21 ans», commente l’intéressé aujourd’hui, regrettant au passage l’attention portée sur son âge depuis qu’il est arrivé au Palais-Bourbon. «On m’interroge énormément là-dessus mais j’ai beaucoup moins de questions politiques», indique-t-il. Pour autant, Boyard a conscience de son statut et souhaite créer une «rupture générationnelle». «Il faut prendre acte du décalage entre les aspirations de la jeunesse et les politiques qui sont menées, explique celui qui étudiait jusqu’ici le droit. Rien n’est fait sur le climat, les problématiques LGBT ou le féminisme.»
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Pour changer les choses, l’ancien président de l’Union nationale des syndicats qui a tâté de la télé durant les mobilisations contre Parcoursup, avec les gilets jaunes puis dans le talk-show de Cyril Hanouna, Touche pas à mon poste, souhaite «bousculer les codes à l’Assemblée nationale car ça ne va pas assez loin», selon lui. Mardi, âge oblige, il était secrétaire de bureau iconoclaste durant la désignation de la présidence de l’Assemblée, refusant de serrer la main de Philippe Ballard, ancien journaliste de LCI et tout frais député du Rassemblement national. «C’est un geste sur la forme mais aussi une question de fond, affirme Boyard. Pourquoi ce qui était anormal avant ne l’est plus aujourd’hui ? Si on acte la banalisation de l’extrême droite, à quoi ressemblera l’avenir ?» Et le même d’insister sur les vertus de son action : «Beaucoup de jeunes m’ont dit : enfin quelqu’un qui se réveille !»
Freiner l’«émigration» des jeunes
Comme lui, Charles Rodwell, 25 ans, est l’un des benjamins de l’Assemblée et le cadet de la majorité. Dans la première circonscription des Yvelines, il a devancé le candidat de la Nouvelle Union populaire écologique et sociale (Nupes), Sébastien Ramage avec plus de 63 % des voix. «Un grand honneur» pour ce natif de Londres qui a grandi à Versailles. Disposant déjà d’une certaine expérience en politique, il met en avant «deux mentors» : François de Mazières, maire de Versailles, et Bruno Le Maire, ministre de l’Economie et des Finances. Il est adjoint à la Jeunesse du premier depuis mai 2020 et a rejoint le second dès 2014, conquis «par son discours sur le renouveau» de l’UMP lorsqu’il briguait la présidence du parti. Il a fini par écrire les discours de l’homme fort de Bercy à partir de septembre 2021.
Une autre personnalité de la majorité compte dans son parcours : Franck Riester. Rodwell a œuvré auprès de l’ancien député du parti Les Républicains comme collaborateur parlementaire avant d’adhérer à son parti Agir en 2017, l’une des composantes de la majorité. Rodwell boucle la boucle : «Ce sont des hommes de droite, mais ils ont défendu la même chose que le président de la République.»
Comme Boyard, il veut parler à la jeunesse. Mais avec un tout autre discours, celui de «l’émigration». «De plus en plus de jeunes partent à l’étranger parce qu’ils ont l’impression que la France ne peut pas leur donner de perspectives, alors même que notre pays propose des potentialités énormes, observe-t-il. J’ai envie de me pencher sur les sujets de l’emploi et de la formation. Cela a un impact direct sur la vie des jeunes, c’est pour cela que je me suis engagé en politique.»
«Dialogue de sourds» sur l’hôpital
Avec ses vingt-cinq printemps, Damien Maudet est également l’un des six plus jeunes députés de la nouvelle législature. L’insoumis l’a emporté dans la première circonscription de la Haute-Vienne face à la députée sortante et candidate de la majorité, Sophie Beaudoin-Hubière en réunissant 53,4 % des suffrages. L’ancien de l’Union nationale des étudiants de France (Unef) a mené une «une campagne populaire», entre «matchs de foot, concerts, barbecues et fêtes». Façon pour lui d’aller chercher «les jeunes dans les quartiers populaires ou des gens dans les zones périphériques qui ne veulent pas d’Emmanuel Macron».
L’ancien attaché parlementaire de François Ruffin a manifesté son opposition au chef de l’Etat lorsque celui-ci s’est rendu à Saint-Léonard-de-Noblat en Haute-Vienne, fin janvier. Maudet l’a interpellé publiquement sur la situation des hôpitaux publics, son cheval de bataille. «J’ai halluciné en voyant qu’il n’y avait pas de manifestations, qu’il allait venir tranquillement avec les chaînes de télévision en donnant l’impression que tout se passe bien», raconte-t-il. L’échange tourne au «dialogue de sourds» mais le diplômé de science politique se fait remarquer.
Avant cela, il s’occupait déjà du compte Twitter «Allo Véran» dont le but était de «recenser la situation dans les hôpitaux publics, même hors période Covid, pour montrer que les problèmes sont structurels». «On voulait lancer Allo Bourguignon mais elle ne nous a pas laissés le temps», ironise-t-il en référence à l’ancienne ministre de la Santé qui va quitter son poste après sa défaite aux législatives dans le Pas-de-Calais. Dès son élection, l’insoumis a lancé une «commission d’enquête populaire» pour, dit-il, «remettre à l’agenda la question des hôpitaux». Concrètement, il s’agira de «mettre en avant des soignants dans des vidéos sur les réseaux sociaux», puis de «se servir de leurs discours à l’Assemblée nationale» pour davantage alerter sur cette thématique.