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Libération
Tonton flingueur

Bayrou, Macron, Retailleau : Sarkozy n’épargne personne et juge qu’il «n’y aura pas d’autres solutions que la dissolution»

Dans «le Figaro», l’ancien chef de l’Etat se prononce en faveur de nouvelles élections législatives anticipées, ce mardi 2 septembre, afin de débloquer la situation et de pouvoir faire voter un budget.
L'ancien président Nicolas Sarkozy à Villiers-sur-Marne, en banlieue parisienne, le 20 mai 2025. (Stephane de Sakutin/AFP)
publié le 2 septembre 2025 à 16h25
(mis à jour le 2 septembre 2025 à 19h06)

Ni François Hollande ni Nicolas Sarkozy ne sont plus chefs de leurs partis. Mais en ces temps politiques troublés, les voix des deux anciens présidents de la République hantent leurs formations respectives, le Parti socialiste pour l’un, Les Républicains pour l’autre. Et concurrencent la parole des nouveaux patrons, Olivier Faure et Bruno Retailleau, qui ont parfois du mal à garder de l’autorité sur leurs troupes. Ainsi de François Hollande qui a communiqué cet été en direct avec François Bayrou, comme il l’avait déjà fait cet hiver au moment des négociations sur le vote du précédent budget, et de Nicolas Sarkozy qui contredit le président des LR dans une interview au Figaro ce mardi 2 septembre.

Alors que Bruno Retailleau a sommé les députés de son parti d’apporter un vote favorable à la confiance que va requérir le Premier ministre devant l’Assemblée nationale le 8 septembre – sans être entièrement suivi, en particulier par le chef du groupe, Laurent Wauquiez –, l’ancien leader de la droite estime que «l’abstention était une alternative crédible». «Si l’on se dirige, comme je le crois, vers des élections législatives dans quelques semaines, comment Les Républicains pourront-ils faire campagne sans être assimilés à un gouvernement auquel ils auront voté la confiance ? Le risque de confusion m’apparaît sérieux. C’est ce qui m’inquiète», énonce-t-il dans le quotidien.

«La droite ne peut pas être en retard sur les questions de société»

Après avoir pris soin de souligner qu’il comprenait l’impératif du ministre de l’Intérieur, «un homme que j’apprécie et que je soutiens, et sans doute que, dans sa position de ministre, il lui était difficile de faire autrement». Une égratignure discrète, mais réelle, quand on sait que cet argument de l’incompatibilité entre les fonctions de membre d’un gouvernement de coalition avec les macronistes et de chef de la droite a été la rhétorique principale de Laurent Wauquiez dans la bataille qu’il a menée (et perdue) contre Bruno Retailleau pour prendre la tête du parti en mai.

Une tonalité mordante à l’égard du Vendéen qui se confirme plus loin dans l’entretien. Questionné pour savoir si ce dernier est le mieux placé pour être le candidat de la droite en 2027, Nicolas Sarkozy critique son conservatisme à mots couverts. «A lui d’écrire la suite. A commencer par l’élargissement programmatique et personnel. Dans un pays aussi ouvert que la France, chacun est libre de ses convictions personnelles, mais la droite ne peut pas notamment être en retard sur les questions de société», relève-t-il, «ce sera l’un de ses défis».

Un «suicide politique»

Il faut dire que les deux hommes viennent à l’origine de clans distincts à droite. L’ancien villiériste fut un proche lieutenant de François Fillon et a longtemps été considéré par les sarkozystes comme une «pièce rapportée» dans la famille de l’UMP. Jusqu’à leur rapprochement étonnant après la dissolution de 2024. Car Nicolas Sarkozy plaidait depuis l’élection présidentielle de 2022 pour une alliance de la droite et de la macronie, et c’est finalement Bruno Retailleau qui participa non seulement à l’officialiser, mais à la consolider.

Dans cet entretien où Nicolas Sarkozy semble remonté comme une pendule, le ministre de l’Intérieur n’est pourtant pas le seul à essuyer des coups. François Bayrou est passablement éreinté. Son initiative est qualifiée de «suicide politique». «C’est à peu près le contraire de ce qu’il fallait faire», s’énerve l’ancien chef de l’Etat. «Quelle drôle d’idée que de demander la confiance aux formations politiques avant même de discuter avec elles ! Le chemin raisonnable eût été d’essayer de trouver un compromis sur le budget, puis d’officialiser ce compromis par un vote de confiance, juge-t-il. Là, nous avons la certitude d’un échec qui va faire perdre une nouvelle fois du temps à la France. Il n’y a donc rien de rationnel et rien d’utile dans cette méthode.»

«Je suis persuadé qu’il n’y aura pas d’autre solution que la dissolution»

Emmanuel Macron est également dans le viseur de l’homme de la rue de Miromesnil. Sont épinglées «son inclination naturelle à gagner du temps et sa volonté de toujours vouloir faire entrer le pied droit dans la chaussure gauche». «J’imagine qu’il va tenter une nouvelle fois de trouver un Premier ministre», anticipe Nicolas Sarkozy, qui sanctionne aussitôt une telle démarche : «Cela ne peut pas fonctionner.» Excluant par avance la démission du chef de l’Etat, qui «doit pouvoir aller au bout du mandat que lui ont confié les Français», il se prononce en faveur de nouvelles élections législatives anticipées.

«J’ai eu l’occasion de le dire au président de la République cet été : je suis persuadé qu’il n’y aura pas d’autre solution que la dissolution. Il serait curieux d’avoir choisi de dissoudre hier quand rien ne l’exigeait et de s’y refuser aujourd’hui quand la décision s’impose !» s’agace l’ancien président. Une position partagée avec l’ancien Premier ministre Edouard Philippe, qui a récemment qualifié «d’inéluctable» une nouvelle dissolution. Et les deux têtes de pont du Rassemblement national, Marine Le Pen et Jordan Bardella, qui ne cessent de faire pression sur le chef de l’Etat depuis une semaine pour exiger la tenue de nouvelles élections.

Au sujet d’une éventuelle victoire de l’extrême droite à l’issue d’un tel scrutin, Nicolas Sarkozy juge que les troupes du RN «appartiennent à l’arc républicain» et ne semble pas la craindre. «S’il n’y a pas defront républicain”, comme je le pense, les conditions peuvent être réunies pour dégager une majorité, au moins relative. Ce qui serait mieux que la situation actuelle», défend-il. Et de prédire : «Je suis persuadé que la stratégie du “front républicain” ne marchera pas une deuxième fois. Quand bien même ce front se reconstituerait, je pense que les Français ne suivront pas ceux qui le porteront.»