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C’est leur «combat», et c’est aussi le sien. Mardi 21 janvier, Bruno Retailleau a affiché son soutien admiratif au collectif Némésis, ces «féministes identitaires» (étiquette qu’elles ont revendiquée avant de la récuser), qui dénoncent les violences faites aux femmes uniquement sous un prisme raciste et sont proches d’à peu près toutes les sphères d’extrême droite – des plus institutionnelles comme le RN aux plus radicales, royalistes et nazifiantes, ainsi que l’a largement documenté Libé. Interrogé par leur présidente Alice Cordier (un pseudonyme) sur une possible dissolution du groupe antifasciste la Jeune Garde (dont était membre Raphaël Arnault avant d’être élu député LFI, et avec qui Cordier est en guerre ouverte), le ministre de l’Intérieur a validé cette possible «solution» et, surtout, «félicité» le groupuscule pour son action, s’en disant solidaire : «Némésis […], bravo pour votre combat, vous savez que j’en suis très proche.»
Cette déclaration d’amour était faite en tant qu’invité d’honneur du centre de réflexion sur la sécurité intérieure, un think tank cofondé par l’avocat Thibault de Montbrial, ex-conseiller sécurité de Valérie Pécresse à la présidentielle 2022 avant de rejoindre le «comité stratégique» du média zemmouriste Livre noir (devenu Frontières) en 2023. «Pour la première fois depuis notre création, nous avons l’impression d’être entendues par les pouvoirs publics. Nous ne lâcherons rien», s’est gargarisé sur X le collectif Némésis, qui fait régulièrement la fête et prépare ses actions dans le manoir de feu Jean-Marie Le Pen, à Saint-Cloud – elles étaient aussi présentes à la messe d’hommage au fondateur du FN.
«Immense fierté»
Extatique après les louanges tressées et ce brevet en normalisation décerné par le ministre d’Etat, Alice Cordier a exulté : «Après des années d’humiliations, de comptes bancaires qui sautent, de réseaux sociaux censurés, de violences par des militants d’extrême gauche, d’articles à charge… Après tout ça, j’ai été félicitée par notre ministre de l’Intérieur, Bruno Retailleau. Immense fierté.» La consécration pour celle qui a débuté avec les royalistes de l’Action française et a été proche de la bande néonazie des Zouaves Paris. Ces derniers, après leur interdiction par les autorités en 2022, ont réactivé le GUD (lui aussi dissous, l’été dernier) et poursuivi dans la violence.
Avec ses actions pensées d’abord en fonction de leur impact visuel et médiatique, le collectif Némésis a repris les recettes de Génération identitaire (GI, dissous en 2021 pour son racisme et sa violence). Alice Cordier et ses Némésis figuraient d’ailleurs en bonne place lors de la manifestation de soutien au mouvement organisée après l’annonce du lancement de la procédure d’interdiction par les autorités, en février 2021. Les deux groupes partageaient des troupes, ainsi qu’une vision ethnique du monde et des relations inter-humaines.
Fusil d’assaut
«Rapefugees [contraction de “rape”, “viol”, et “refugees”, “réfugiés”, ndlr] not welcome» proclamaient par exemple des autocollants produits par les Némésis. L’illustration : un homme noir et un homme barbu en qamis poursuivant une jeune femme blonde. Alice Cordier avait aussi plaidé «l’humour», l’an dernier, après avoir ouvert une cagnotte pour payer «un billet d’avion» à la journaliste française d’origine marocaine Nassira El Moaddem. Décidément adepte de satire, la même a posé fièrement, en décembre 2021, avec un fusil d’assaut vêtu d’un pull montrant une Jeanne d’Arc équipée de la même arme. Légende de cette photo à l’imaginaire évocateur, postée sur les réseaux sociaux : «Guerrier dans un jardin plutôt que jardinier dans un champ de guerre.»
Aujourd’hui, aux quatre coins du pays, les militantes de Némésis cultivent des liens politiques ou personnels avec toutes les chapelles de la mouvance : bandes néofascistes, voire néonazies, catholiques traditionalistes, jeunes étudiants bien peignés du syndicat étudiant la Cocarde, qui sert de vivier au RN. Bien qu’elles soient peu nombreuses avec 200 militantes revendiquées, on les trouve partout. A la soirée électorale de Marine Le Pen, le soir du second tour de la dernière présidentielle. Dans les locaux de campagne de Zemmour pendant la même course à l’Elysée. Avec les néofascistes italiens de CasaPound à Rome, ou derrière un stand au colloque des suprémacistes de l’Institut Iliade, chaque année ou presque. Et sur les plateaux des médias de droite et dans les colonnes des blogs de la mouvance.
Suite à la réponse de Retailleau à leur interpellation, la directrice de la publication du site d’extrême droite Boulevard Voltaire, Gabrielle Cluzel, a salué sur X le premier flic de France, «bien plus courageux» que son prédécesseur Gérald Darmanin.. En réponse, Cordier s’est esclaffée : «Darmanin nous aurait dissous s’il avait pu.» Contacté par Libé, le cabinet de Retailleau s’est borné à expliquer que son ministre «répondait sur l’extrême gauche et l’antisémitisme». Interrogé sur les positions xénophobes des Némésis et leur soutien à des groupes dissous, il n’a pas répondu.
Mise à jour le 24 janvier 2025 Interrogé sur Europe 1 et CNews, Bruno Retailleau a déclaré qu’il ne se «sen[t] pas du tout proche de cette association en tant que telle» : «Elles m’ont posé la question sur leur combat qui est contre l’islamisme, contre l’antisémitisme, et bien sûr je leur ai dit que je partageais ces combats, parce que c’est la vérité», a-t-il expliqué, mais «j’ai vu après que c’était une association qui avait des positions très radicales, qui avait très brutalement d’ailleurs, par exemple, attaqué [la présidente LR d’Ile-de-France] Valérie Pécresse».