A quelques jours de la réunion jeudi d’une commission mixte paritaire, où députés et sénateurs tenteront de trouver un compromis sur le projet de loi de finances pour 2025, tombé avec la censure du précédent gouvernement en décembre, le Premier ministre s’est prêté à l’exercice de l’interview télévisée en prime time. Pendant près de deux heures, François Bayrou a répondu aux questions du journaliste Darius Rochebin. Libé a remis en ordre un entretien où le Premier ministre a esquivé les sujets les plus sensibles, sautant régulièrement du coq à l’âne.
Pas d’heures de travail non rémunérées
Le Premier ministre François Bayrou a écarté la piste des sept heures de travail non rémunérées, avancée par le Sénat dans le cadre du budget de la Sécurité sociale, car «le travail doit être payé». «Le travail ne doit pas être gratuit», a-t-il insisté, se disant «prêt à discuter» de cette «proposition parlementaire», tout en soulignant que «c’est aussi une règle simple que tout travail mérite salaire».
Pas de suppression de 4 000 postes dans l’Education nationale et reconquête de l'écrit à l'école
«Nous n’allons pas les supprimer» dans le budget 2025, comme envisagé par l’ancien Premier ministre Michel Barnier et cette décision est «définitive», a confirmé François Bayrou. «Je n’ai pas dissimulé que 4 000 postes inscrits, c’est une chose. Encore faut-il qu’il y ait des candidats aux concours pour devenir enseignants», a ajouté le Premier ministre.
Par ailleurs, le Premier ministre François Bayrou a promu «la reconquête de l'écrit» à l'école. «Ce que je crois, c’est qu’il faut faire de l'écrit à l'école, tous les jours et même dans tous les cours», a-t-il déclaré en regrettant la place accordée aux images dans la jeunesse. «Le prof d’histoire, il peut faire deux paragraphes tous les jours», a-t-il ajouté en précisant en avoir parlé à sa ministre de l’Education nationale Elisabeth Borne. Ex-ministre de l’Education (1993-1997), cet agrégé de lettres classiques revendique aussi le travail de la graphie à l'école, «l'écriture au sens physique du terme. Former les lettres. Tout ceci a complètement disparu», a-t-il regretté. «C’est pas réac, c’est progressiste, c’est le progressisme le plus grand», a-t-il fait valoir.
Pas d’impôts nouveaux pour les ménages dans le budget 2025
«Est-ce qu’on peut s’engager à ce que les ménages français, je parle bien des ménages, n’auront pas d’impôts nouveaux en 2025 ?», a interrogé le journaliste. «Oui», a répondu le chef du gouvernement. La ministre des Comptes publics, Amélie de Montchalin, s’était déjà dite opposée à tout nouvel impôt ou toute hausse d’impôts qui «pénaliseraient le pouvoir d’achat de la classe moyenne». En revanche, le Premier ministre a confirmé de nouvelles taxes sur les plus hauts revenus et une «contribution spéciale» des grandes entreprises réalisant plus de 1 milliard de chiffre d’affaires. «On va voir ce que dira la commission mixte paritaire, mais elle est d’une année».
Immigration : oui à une restriction du droit du sol à Mayotte, mais pas en métropole
Interrogé pour savoir s’il souhaitait restreindre le droit du sol à Mayotte, le Premier ministre a répondu «oui». Mais il a répondu «non» à l’hypothèse de restrictions similaires en métropole, «même s’il y aura des débats». Une proposition de loi visant à restreindre ce droit à Mayotte doit être débattue à l’Assemblée nationale lors de la journée réservée aux textes des Républicains (LR) le 6 février. Depuis 2018, une dérogation existe déjà à Mayotte, qui restreint la possibilité de devenir Français pour les enfants nés de parents étrangers sur l’archipel. Il faut que l’un des parents ait, au jour de la naissance, été présent de manière régulière en France depuis trois mois. La proposition de loi propose d'élargir cette condition aux «deux parents», et d'étendre la durée nécessaire de leur présence régulière sur le territoire à un an.
Un peu plus tard, le Premier ministre a indiqué que l’immigration ne pouvait pas être un sujet de référendum. «L’immigration ne peut pas constitutionnellement, même pas par préférence, (...) être un sujet de référendum», a-t-il affirmé alors qu’Emmanuel Macron avait évoqué dans ses vœux la possibilité de consulter les Français. «Le champ du référendum est très clairement défini par les institutions. Il faut que ce soit l’organisation des pouvoirs publics, économique ou sociale», a justifié le Premier ministre, sans exclure de pouvoir solliciter cet outil sur d’autres sujets que l’immigration.
Fin de vie : il y aura bien deux textes distincts
François Bayrou a confirmé vouloir «deux textes», l’un sur les soins palliatifs et l’autre sur l’aide à mourir. «Les soins palliatifs, pour moi ce n’est pas un droit, c’est un devoir», a déclaré le Premier ministre, qualifiant l’aide à mourir de «débat de conscience».
Plus de 200 socialistes et macronistes ont exhorté lundi François Bayrou à ne pas scinder le texte jugeant que «dissocier les soins palliatifs de l’aide médicalisée active à mourir serait une erreur». Cette tribune, signée notamment par la présidente de l’Assemblée nationale Yaël Braun-Pivet, a été mise en ligne sur le site du Parisien à quelques heures du long entretien télévisé du Premier ministre sur LCI.