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«Insulte à la mémoire» : les descendants du groupe Manouchian et la gauche condamnent la présence du RN à la panthéonisation

Des descendants de membres du groupe dirigé par le résistant arménien, auxquels la nation rend hommage ce mercredi 21 février, et des personnalités politiques de gauche dénoncent la présence du parti d’extrême droite à la cérémonie.
Le cercueil de Missak Manouchian lors de la veillée au Mont Valérien, mardi soir à Suresnes, à la veille de son entrée au Panthéon. (Stéphane de Sakutin /AFP)
publié le 21 février 2024 à 12h27

Peu lui importent l’opprobre et les critiques. Marine Le Pen sera bien là, ce mercredi 21 février, à l’hommage national rendu au Panthéon au résistant arménien Missak Manouchian, membre d’un groupe de combattants communistes étrangers exécuté le 21 février 1944. La patronne du Rassemblement national l’a confirmé lundi, dénonçant les «propos outrageants» d’Emmanuel Macron qui avait désapprouvé la veille, à titre personnel, la participation à l’événement de la formation d’extrême droite. Mais aux yeux des descendants de membres du «groupe Manouchian», également assassinés par les nazis en 1944 et dont la mémoire sera honorée ce mercredi par la pose d’une plaque dans l’enceinte du Panthéon, la venue d’une représentante d’un parti fondé par des partisans du régime de Vichy ne passe toujours pas.

«Rien à faire au Panthéon»

«L’histoire et les valeurs de ce parti sont en contradiction avec le combat des résistants des FTP-MOI [Francs-tireurs et partisans - Main-d’œuvre immigrée, ndlr], étrangers, juifs, communistes», expliquent, dans un texte publié mardi par l’Humanité, les familles de l’Espagnol Celestino Alfonso et des Polonais Marcel Rajman, Wolf Wajsbrot et Joseph Epstein. Les trois premiers furent fusillés au Mont Valérien le même jour que Missak Manouchian, le quatrième, qui fut leur chef, tué le 11 avril 1944 après d’atroces tortures. «A l’heure où le Rassemblement national remet en cause le droit du sol, la présence des représentants de ce parti serait une insulte à la mémoire de ceux qui ont versé leur sang sur le sol français. Nous ne voulons pas participer à la stratégie de dédiabolisation d’un parti xénophobe et raciste. Missak Manouchian et ses camarades ne l’auraient pas supporté», ajoutent les auteurs du texte.

«Lorsqu’on défend la préférence nationale, lorsqu’on défend le droit du sang et non le droit du sol, lorsqu’on se propose d’expulser tous les immigrés qui n’ont pas de papier, on n’a rien à faire au Panthéon», insiste Georges Duffau-Epstein, fils de Joseph Epstein, au micro de France Inter. «Sa présence serait insupportable», déclare-t-il dans un autre entretien à la presse. Et l’octogénaire, président de l’association gérant le musée de la Résistance nationale à Champigny-sur-Marne, de prévenir : «Si je croise Marine Le Pen, mercredi soir, je refuserai de lui serrer la main.» «Madame Le Pen devrait avoir un peu de savoir-vivre vis-à-vis des familles des fusillés et des résistants. […] Je lui demande solennellement : ne venez pas», l’a aussi interpellée Samuel, petit-fils de Cesare Luccarini, communiste italien fusillé sur le Mont Valérien à l’âge de 21 ans.

«Outrage à leur mémoire»

Dans le sillage d’Emmanuel Macron, qui avait suggéré dimanche dans l’Humanité que «les forces d’extrême droite seraient inspirées de ne pas être présentes, compte tenu de la nature du combat de Manouchian», les représentants de toute la gauche ont fait part de leur colère à l’égard de la décision de Marine Le Pen. A commencer bien sûr par les communistes, dont le secrétaire national Fabien Roussel a rappelé ce mercredi sur France Info qu’elle avait présidé un parti, le Front national, «qui a été fondé par son père et par Pierre Bousquet, ancien Waffen-SS». «Pour ma part, je ne me verrais pas aller à l’enterrement d’anciens dirigeants de l’extrême droite française qui ont pu torturer en Algérie», a-t-il ironisé. «Le combat qui a coûté la vie [aux membres du groupe Manouchian] était aux antipodes du projet de l’extrême droite dont l’histoire est celle de la collaboration avec les nazis. La présence de Marine Le Pen à cette cérémonie est un outrage à leur mémoire», a pour sa part dénoncé la députée La France insoumise Clémentine Autain, mardi.

«La résistance française doit être honorée. Elle fait partie de notre récit national et de notre histoire», justifie Jordan Bardella, président du RN, qui déplore ce mercredi matin sur le plateau de CNews que «le président de la République utilise des moments, qui devraient être des moments d’unité nationale, pour attiser des polémiques et diviser les Français». Marine Le Pen dispose d’une invitation à la cérémonie au Panthéon à titre protocolaire. La semaine dernière, les élus du Rassemblement national s’étaient abstenus de se présenter à l’hommage national rendu à l’ancien ministre de la Justice Robert Badinter après que la famille de celui-ci leur avait demandé de ne pas venir.