A Visa pour l’image, à Perpignan, en 1998, ce n’est pas une photo de presse stricto sensu qui fait parler d’elle. Mais un portrait de Jean-Marie Le Pen, réalisé en 1997 dans sa résidence de Montretout à Saint-Cloud, par un certain Helmut Newton. Le photographe de mode et de nus, mort en 2004, exposait dans le cadre du festival ses clichés destinés à la presse. L’Australien d’origine allemande évoquait à l’époque, lors d’un entretien avec Libération, les coulisses de la photo où Le Pen pose fièrement avec ses dobermans et que Libération a choisie en une pour la mort du fondateur du Front national.
«C’est une commande du New Yorker. Dans mon contrat avec eux, il est stipulé que chacune de mes photos est publiée pleine page. Mais, là, la directrice m’a appelé en me disant que le portrait que je prendrais de Le Pen, n’aurait pas la place à laquelle j’ai droit d’habitude. Je lui ai répondu qu’ils pouvaient le sortir en format timbre-poste, je serais content de le faire. Cela m’apparaissait important.
L'édito de Paul Quinio
«Ils m’ont envoyé des articles et des photos pour que je me prépare. Je suis arrivé chez le leader du Front national avec une bonne heure d’avance, comme je le fais d’habitude, pour prendre connaissance des lieux. J’ai rencontré Le Pen. Il a été charmant et très coopératif. J’ai d’abord mis en scène une première photo où il avait une grande bible dans les mains. J’ai eu plus de mal à le convaincre de poser avec ses chiens. Il ne voulait pas, mais j’ai su le persuader. Mon travail de portraitiste dépend beaucoup de mes efforts de séduction. Mais ça, je connais. […]
«Je dois tout faire pour que le portrait se fasse. Même quand je ne suis pas d’accord avec les opinions de mon modèle. Après tout, je suis un photographe, pas un juge.»
La résonance de ce portrait avec un cliché montrant Hitler au côté de son berger allemand réalisé par Heinrich Hoffmann semble évidente : «Quand je fais une photo, je suis innocent, je ne pense à rien», a simplement répondu le photographe, qui a fui l’Allemagne nazie en 1938.
Les animaux auront toujours été un sujet de discorde dans la famille Le Pen, la fille préférant se mettre en scène avec ses chats. A tel point que le départ de Marine du manoir de Montretout à l’été 2014, serait, selon certains, lié à la mort de sa chatte Artémis. Une disparition à laquelle ne seraient pas étrangers Sergent et Major, couple de bas-rouges croisés beaucerons qui avaient succédé au manoir à Gaulois et Gitane, leurs lointains prédécesseurs immortalisés par Helmut Newton.