Menu
Libération
Kompromat

«J’ai une vidéo de vous le cul à l’air avec un mec»: de nouvelles révélations dans l’affaire de la sextape à la mairie de Saint-Etienne

S’il continue de nier toute implication personnelle dans le chantage à la sextape, le maire LR de Saint-Etienne a bien menacé de diffuser «avec parcimonie» et dans «de petits cercles» la vidéo à caractère sexuelle de son adjoint Gilles Artigues.
Gael Perdriau, maire de Saint-Etienne, en 2021. (Vero Martin /Hans Lucas. AFP)
publié le 12 septembre 2022 à 18h39

Il voulait «s’éliminer». Le calvaire devenant cauchemar, Gilles Artigues a pensé mettre fin à ses jours. La lettre pour expliquer son geste était prête. La clé USB aussi, avec la vidéo tant convoitée. Celle où l’ancien adjoint Modem à la mairie de Saint-Étienne apparaît dévêtu sur un lit en 2014, accompagné d’un escort boy. Le coup avait été préparé et une caméra placée dans un coin de la chambre d’hôtel pour, ensuite, le faire chanter. Renonçant finalement à commettre l’irréparable, l’ex-élu décida d’accumuler le maximum de preuves. Mediapart en dévoile une partie ce lundi. Le média d’investigation diffuse des enregistrements audio du maire LR de Saint-Etienne, Gaël Perdriau, dans lesquels il menace de divulguer la sextape par «petits cercles» et «avec parcimonie» pour démolir la réputation de son collègue et néanmoins rival, ouvertement catholique.

Fin 2017, Gilles Artigues tente d’en parler au maire et à son directeur de cabinet, Pierre Gauttieri. «Vous avez fait une chose ignoble pour essayer de me piéger». Avant de les prévenir : «Ça rentre dans le cadre d’une loi très précise qui est la violation de la vie privée, la captation d’images contre la volonté de la personne et une utilisation à des fins politiques. Et ça, c’est au minimum deux ans de prison». Pas de quoi inquiéter Gauttieri. «Si le fait que j’aille en taule vous fait tomber parce que vous passez pour une vieille pédale sur le retour, je n’en ai aucun problème», dit-il sans ambages dans l’un des enregistrements. Le bras droit du maire assume être «sans foi, ni loi». «Je fonctionne exactement comme peut fonctionner un criminel», déclare-t-il aussi. Gaël Perdriau lui lance : « Une fois que c’est sur les réseaux, c’est plus du chantage. C’est une exécution. » Lors de la première vague de révélations, le maire de Saint-Etienne soutenait pourtant n’avoir aucune connaissance d’une pareille vidéo.

«Drogué» et «alcoolisé»

Gilles Artigues a beau expliquer dans ces captations avoir été «alcoolisé», «drogué» et ne pas être «dans une situation normale» le soir où les images ont été tournées, les deux hommes en face ne s’en émeuvent pas. Pierre Gauttieri, lors d’un échange en présence du maire, menace de montrer la vidéo à caractère sexuel aux parents d’élèves dans les écoles où sont scolarisés ses enfants. «Je pense que vos enfants ne s’en remettront pas», tranche le dircab. En 2018, il se veut encore plus menaçant. «J’ai une vidéo de vous le cul à l’air avec un mec. Le très catholique député Gilles Artigues, très bon père de famille, dans un truc comme ça ? Allez-y, allez vous expliquer aux électeurs», ricane Gauttieri. L’adjoint rétorque : «Je n’ai rien fait d’illégal dans cette affaire. Une faute morale peut-être. Si je plonge, vous plongerez aussi».

Des révélations qui n’ont pas manqué de faire réagir les responsables politiques. François Bayrou dénonce auprès de Mediapart «une affaire abjecte». Aux yeux du maire de Pau, par ailleurs Haut-commissaire au Plan, «ce type de complot mafieux, pour une démocratie comme la nôtre, est insupportable». Il appelle à «la démission des élus concernés», conséquence qu’il estime «trop légère» des dernières révélations. «Il doit y avoir des poursuites, et pour dire le fond de ce que je pense, des peines de prison», tranche Bayrou. A gauche, l’ancienne numéro 1 d’Europe Ecologie-les Verts Cécile Duflot explique : «T’as beau avoir le cœur bien accroché et en avoir vu d’autres, ce qu’a fait le maire de Saint-Étienne est dingue». L’affaire est toujours entre les mains de la justice puisque le parquet de Lyon a ouvert une information judiciaire début septembre «des chefs d’atteinte à l’intimité de la vie privée, chantage aggravé, soustraction de bien public par une personne chargée d’une fonction publique, abus de confiance et recel de ces infractions». Une perquisition a notamment été menée à la mairie de Saint-Étienne.