Tiens, revoilà Blanquer. Et il a changé, au moins dans le discours. L’ex-ministre de l’Education, qui était, à ses débuts, dans les bonnes grâces du macronisme, ne ménage aujourd’hui plus le chef de l’Etat. À l’occasion de la parution cette semaine de son livre – intitulé La Citadelle et qui revient sur ses cinq années passées rue de Grenelle – Jean-Michel Blanquer sort d’une longue période de silence. Et il n’a pas la langue dans sa poche. L’ancien ministre de l’Education nationale estime ainsi, dans une interview au Point parue ce jeudi, que le président a fait un «usage incongru» de la dissolution et «se crée à lui-même» des problèmes «évitables».
Rassurez-vous : le chef de l’Etat a toujours «une grande intelligence, une très forte puissance de travail, du dynamisme et de la créativité». Mais «il ne déteste pas non plus les coups tordus, aime écouter les conseillers du soir plutôt que les ministres du jour et se crée à lui-même des problèmes qui seraient évitables», selon Blanquer. «D’une certaine façon, il réussit souvent ce qu’il y a de plus difficile et rate des choses assez simples. Il peut accomplir une prouesse et aussitôt la gâcher par une phrase ou une posture», ajoute-t-il aussi dans les colonnes de l’hebdomadaire.
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Un «enfermement du pouvoir présidentiel sur lui-même»
Selon celui qui avait été empêtré dans un scandale politique pour ses vacances à Ibiza en pleine préparation d’une rentrée sous Covid, une «crise de régime» est «malheureusement possible» du fait de la difficulté à former un gouvernement, en partie à cause d’un «enfermement du pouvoir présidentiel sur lui-même». «Les circonstances, mais aussi parfois la volonté du président, ont amené à l’abaissement des forces de gouvernement de droite comme de gauche au bénéfice des extrêmes», une situation «mortifère». Cependant, le macronisme, au sens d’un «grand centre pivot capable de travailler avec la gauche ou la droite», «conserve toute sa pertinence».
Au micro de France Inter, ce jeudi matin, l’ancien ministre effectue la même critique acerbe des coulisses du pouvoir. «Vous ne pouvez pas utiliser la Constitution comme un contrat avec lequel vous faites des coups à vos adversaires», flingue-t-il sur la radio publique, avant de souligner l’exercice solitaire du pouvoir élyséen et son lot de courtisanerie : «Nous avons besoin d’épaisseur humaine, de diversité de points de vue, pas d’avoir un seul chef avec de jeunes ambitieux derrière.»
.@jmblanquer très critique envers la dissolution décidée par Emmanuel Macron : "Vous ne pouvez pas utiliser la Constitution comme un contrat avec lequel vous faites des coups à vos adversaires" #le710inter pic.twitter.com/aixQvD6DTJ
— France Inter (@franceinter) August 29, 2024
Dans son livre, Jean-Michel Blanquer revient par ailleurs sur plusieurs escarmouches qui l’ont opposé à des figures de la macronie pendant ses cinq ans à l’Education. Il relate notamment qu’en 2020, lorsque Jean Castex a remplacé Edouard Philippe à Matignon, le président avait envisagé de le nommer à l’Intérieur - ce sera finalement Gérald Darmanin. Débarqué du gouvernement en 2022, l’ex ministre se dit également victime d’une «forme de disgrâce», et d’une «amnésie masochiste du président», qui n’a pas su selon lui «valoriser son propre bilan en matière d’éducation, alors que les motifs de fierté ne manquaient pas». Charité bien ordonnée commence par soi-même.