Fini l’intérim. Voilà Jordan Bardella officiellement (et largement) élu président du Rassemblement national. Ce samedi matin, à l’occasion du congrès du parti d’extrême droite à la Mutualité à Paris, le député européen a récolté 84,84 % des suffrages quand son rival, le maire de Perpignan Louis Aliot, n’en a obtenu que 15,16 %. Nette et sans bavure, l’élection du jeune mariniste arrive dans un contexte particulier pour le RN. Deux jours après la sortie à teneur raciste d’un des siens - le député Grégoire de Fournas - qui a écopé de la plus grosse sanction possible à l’Assemblée nationale. De quoi faire ressortir les vieux démons d’un parti qui cherche depuis des années s’institutionnaliser.
L’élection de Bardella met, en tout cas, fin à un faux suspense. Après trois mois de campagne, personne n’imaginait que le président par intérim échouerait face à son concurrent du Sud. «La question, c’est l’ampleur de sa victoire», résumait un cadre du parti. Bardella s’était fixé l’objectif d’obtenir au moins 67,65 % des voix, le score obtenu par Marine Le Pen face à Bruno Gollnisch pour succéder à Jean-Marie Le Pen il y a onze ans. Mission accomplie.
Le Pen libérée et focus sur l’Assemblée
Bardella élu, voilà Marine Le Pen libérée des tâches internes parfois ingrates, alors que l’épicentre du RN se trouve désormais à l’Assemblée nationale, où la députée du Pas-de-Calais préside un groupe de 89 élus et consolide plus que jamais son assise politique et médiatique. Délestée de l’intendance du RN, notamment de l’épineuse équation financière, elle pourra peaufiner une quatrième candidature à la présidentielle dans cinq ans, que personne dans le parti n’ose remettre en cause.
Jordan Bardella, lui, va devoir trouver sa place, alors que le parti a souvent réservé un sort cruel à ses numéros deux - «le destin de dauphin est parfois de s’échouer», avait résumé en son temps Jean-Marie Le Pen. Il a pour lui d’avoir connu une fulgurante ascension, entamée en 2019 lorsqu’il avait pris la tête de la liste RN aux Européennes, avant de rafler la présidence par intérim du parti l’année dernière.
Analyse
Fidélité et loyauté à Le Pen
Originaire de Seine-Saint-Denis, celui qui a fêté mi-septembre ses 27 ans s’est surtout révélé lors de la campagne présidentielle au gré de débats télévisés où son aisance et son habileté ont parfois mis en difficulté des contradicteurs chevronnés. Populaire auprès de la base militante, Bardella ne cesse de louer sa «relation singulière d’une confiance inestimable» avec Marine Le Pen, à qui il jure régulièrement fidélité et loyauté. De quoi être présenté par certains cadres comme «la créature» de la patronne de l’extrême droite française.
Au-delà de ses propres ambitions, c’est sa ligne, voire ses amitiés politiques que mettent en exergue ses détracteurs, l’eurodéputé étant soupçonné d’accointances avec les «identitaires» et d’une trop grande mansuétude envers ceux qui étaient partis chez Eric Zemmour. Mi-octobre, son empressement à vouloir participer à une manifestation initiée par Reconquête ! après le meurtre de la jeune Lola à Paris - à laquelle il a renoncé in extremis - a accentué le trouble.
Récit
Seul édile RN d’une ville de plus de 100 000 habitants, Louis Aliot s’était vite engouffré dans la brèche, fustigeant dans une tribune «les excès pratiqués par le Front national d’un autre temps», les «identitaristes» et, surtout, «les adeptes du grand remplacement». Une expression que seul Jordan Bardella a reprise à son compte, en août 2021, quand Marine Le Pen y a toujours opposé une grande circonspection.
Dans la course à la présidence, Aliot, qui a dirigé le Front national de la jeunesse dans les années 90, mettait en avant son expérience et ses responsabilités d’élu local autant qu’une forme d’ouverture politique, lui qui avait recruté un ancien collaborateur du feu leader socialiste Georges Frêche. L’enjeu, pour lui, était finalement d’obtenir le meilleur score possible pour pouvoir peser dans la nouvelle direction du parti d’extrême droite.