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Polémique

La France insoumise sous le feu des critiques après avoir proposé d’abroger le délit d’apologie du terrorisme

Guerre au Proche-Orientdossier
La proposition de loi déposée par le député Ugo Bernalicis, présentée en défense de «la liberté d’expression», a suscité ce week-end la colère des différents groupes politiques de l’Assemblée, jusque son allié du PS au sein du Nouveau Front populaire.
Le député insoumis Ugo Bernalicis en décembre 2023 à l'Assemblée nationale. (Miguel Medina/AFP)
publié le 24 novembre 2024 à 8h36
(mis à jour le 24 novembre 2024 à 15h45)

Supprimer le délit d’apologie du terrorisme et faire naître une polémique dont l’échiquier politique a le secret. Un texte déposé par le député LFI du Nord Ugo Bernalicis entend supprimer ce délit créé par une loi de 2014, estimant que ce dernier accentue «l’instrumentalisation de la lutte antiterroriste» contre la «liberté d’expression». Il s’attire depuis une série de condamnations émanant de l’ensemble du monde politique, bloc central, extrême droite, jusqu’aux partenaires du Parti socialiste.

Sur fond de montée de l’antisémitisme, qu’une partie de LFI est accusée par ses adversaires d’alimenter, et de conflit au Proche-Orient, le texte du chargé des questions de sécurité au sein du mouvement insoumis juge que «la loi du 29 juillet 1881 traitant des faits relevant des délits d’apologie de crime, d’apologie de crime de guerre, d’apologie de crime contre l’humanité» suffit.

Poursuites en bataille

Dans leur proposition de loi, les insoumis, qui ont essuyé nombre de poursuites dans leurs rangs et chez leurs alliés, demandent «quelle démocratie peut encore conserver son nom, lorsque les méthodes de l’antiterrorisme sont utilisées pour réprimer des militants politiques, des militants associatifs, des journalistes ou encore des syndicalistes». Ils citent le cas du responsable CGT du Nord Jean-Paul Delescaut, condamné à un an de prison avec sursis en première instance – il a fait appel – pour «apologie du terrorisme» via des propos tenus dans un tract de soutien aux Palestiniens. On pouvait y lire : «Les horreurs de l’occupation illégale se sont accumulées. Depuis samedi [7 octobre] elles reçoivent les réponses qu’elles ont provoquées», sans condamnation explicite de ces attaques terroristes.

Le député LFI mentionne également sa présidente de groupe, Mathilde Panot, et l’eurodéputée LFI Rima Hassan, entendues en avril par la police judiciaire parisienne dans le cadre d’enquêtes pour «apologie du terrorisme». La députée du Val-de-Marne avait été entendue au sujet du communiqué publié par son groupe parlementaire le 7 octobre 2023, dans lequel l’attaque du Hamas en Israël avait été décrite comme «une offensive armée de forces palestiniennes» dans un «contexte d’intensification de la politique d’occupation israélienne» de territoires palestiniens.

«Difficile de faire plus ignoble», a aussitôt réagi le ministre LR de l’Intérieur Bruno Retailleau, tandis que son allié Gabriel Attal s’est adressé aux groupes socialiste, écologiste et communiste dans un courrier, leur demandant de se «désolidariser clairement» de LFI. «Je me souviens que c’est la gauche républicaine qui avait proposé et fait voter en 2014 ce texte qui protégeait la sécurité des Français et préservait donc leur liberté. En plein procès de l’assassinat de Samuel Paty, la proposition de loi de La France insoumise est une insulte et une tache indélébile sur ceux qui la portent», écrit le président du groupe EPR à l’Assemblée.

«Nous remettons le délit au bon endroit»

Face aux critiques, le leader insoumis Jean-Luc Mélenchon a dénoncé «une nouvelle agression contre LFI venue de l’extrême droite et servilement reprise par l’officialité médiaticopolitique». «Plutôt que de se faire des films, lire le texte de la proposition de loi», dit-il. Une remarque insuffisante pour Olivier Faure, qui est revenu sur les reproches adressés par Jean-Luc Mélenchon à l’égard d’Olaf Scholz, qui a annoncé refuser d’appliquer le mandat délivré par la Cour pénale internationale contre Benyamin Nétanyahou. «Je regrette la position allemande qui n’est pas la mienne, mais au même moment je ne dépose pas [un texte] qui abroge purement et simplement le délit d’apologie du terrorisme, dont la définition demande seulement à être précisée pour en éviter les dérives. Il est impératif de protéger les libertés publiques mais aussi de protéger les Français du fanatisme et des appels à la violence et la haine.»

Les socialistes évitent «de marginaliser la défense des Palestiniens en ne sombrant pas dans les provocations et en refusant de considérer l’antisémitisme comme “résiduel”», a poursuivi le patron du PS, reprenant un terme utilisé par Jean-Luc Mélenchon. Et d’accuser LFI de «diviser» le «camp de la paix» et de chercher à «instrumentaliser électoralement la tragédie».

«C’est une insulte à la mémoire des victimes de tous les attentats qui ont ensanglanté la France. Face au terrorisme, la République doit rester ferme et unie», a pour sa part estimé le Conseil représentatif des institutions juives de France, qui tient dimanche sa convention annuelle.

Invitée à réagir sur BFM, la présidente du groupe parlementaire insoumise Mathilde Panot a jugé «incroyable» la polémique suscitée par la proposition de loi. «Il se trouve qu’avant 2014, avant la loi qui a mis dans le code pénal l’apologie du terrorisme, c’était dans le droit de presse. Et ce que nous dénonçons, c’est justement que ce soit dans le code pénal et non plus dans le droit de presse. Donc nous n’abrogeons pas le délit d’apologie du terrorisme, nous le remettons dans le droit de presse», a expliqué Mme Panot sur BFMTV. «Je trouve incroyable qu’on explique partout que nous sommes en train d’abroger le délit d’apologie du terrorisme. Nous sommes en train de le remettre au bon endroit», a insisté l’élue du Val-de-Marne.

Mise à jour à 15h45 avec les explications de Mathilde Panot