Le texte sur les énergies renouvelables sera-t-il celui qui prouvera que le «parlementarisme de fait», pour reprendre l’expression de Boris Vallaud, le président du groupe socialiste à l’Assemblée, peut donner au Parlement cette capacité à peser sur l’écriture des lois, son rôle constitutionnel, sans que la posture momentanée prime sur la fabrication d’une norme pérenne ? La loi sur les énergies renouvelables était mal partie. Son objectif est pourtant d’alléger les contraintes administratives qui pèsent sur l’implantation d’éoliennes et de panneaux photovoltaïques, afin de permettre le développement des champs d’éoliennes offshore, le tout pour accélérer la transition énergétique du pays. Mais comme à l’accoutumée, la tentation de la posture était bien là : le gouvernement aurait donné l’impression d’avancer avec son habituelle précaution pro business qui aurait fait dire à la gauche que la moindre avancée est une reculade, alors que la droite qui développe en ce moment un discours anti-éolien pavlovien n’aurait rien voulu entendre d’un gouvernement qui veut parsemer nos beaux paysages de grands mats à hélices après avoir fermé deux réacteurs nucléaires…
Et puis le gouvernement a finement décidé de présenter son projet de loi «d’accélération des énergies renouvelables» d’abord au Sénat, puisqu’il s’agit essentiellement de mettre en œuvre des procédures de planification territoriales (le Palais du Luxembourg est la chambre des territoires). Et au Sénat, socialistes et écologistes ont finalement voté, avec une partie de la droite et les centristes, pour ce texte après de longues discussions formelles et informelles. Le projet de loi est dès lors passé de 20 à 93 articles, sans que soient ajoutés des blocages. La droite voulait que les maires puissent avoir un droit de veto sur l’implantation d’une éolienne, ce sera non. La droite voulait que les éoliennes offshore (c’est-à-dire en mer) soient installées, au moins, à 40 kilomètres des côtes… ce sera non. Les élus locaux ont quand même obtenu d’être mieux impliqués dans la planification territoriale. Bref, le Sénat et la ministre de la transition énergétique Agnès Pannier-Runacher ont travaillé comme ils devraient le faire sur tous les sujets. Ils ont négocié.
Un retard tragique à combler
La France est tragiquement en retard sur les énergies renouvelables et apparaître comme la force politique qui ruserait sur ce sujet serait du plus mauvais effet. Il semble que la majorité comme les oppositions socialistes, écologistes et une partie des LR l’aient compris. A LFI, avant même que le texte soit connu, Mathilde Panot, la présidente du groupe, avait dit qu’il n’était pas question de l’approuver. Quelques insoumis se posent désormais des questions en privé. Le texte sera en commission au Palais-Bourbon le 21 novembre et dans l’hémicycle le 5 décembre. L’aile gauche de la macronie, bien mal en point après le discours très droitier du président sur l’immigration, le 24 octobre dernier, ou le matamorisme de Gérald Darmanin à tout propos, aimerait bien pouvoir montrer que le progressisme autoproclamé du mouvement n’est pas totalement vide. La gauche, sous réserve d’obtenir quelques avancées sur l’énergie hydraulique, sur un meilleur financement de la Dreal (Direction régionale de l’environnement, de l’aménagement et du logement) serait bien mal inspirée de ne pas voter un texte qui permettra de combler, un peu, le retard de la France en matière de renouvelables. Les socialistes et les écologistes ont plutôt envie de voter pour, les Insoumis ont plutôt envie de ne pas voter contre.
Au bout du compte, il faudrait, pour être des législateurs adultes et non des candidats permanents, que la préoccupation de l’unité de la Nupes – dont les Français de gauche, hors campagnes électorales, n’ont que faire – ne pèse pas sur les choix de fond. Il sera toujours plus facile (et moins primordial) de reconstruire la gauche que de remettre le pays d’équerre dans sa trajectoire de réduction des énergies fossiles.