Les rois de l’arnaque ? Réduits à portion congrue après la dernière présidentielle et ramenés à une soixantaine de députés à l’Assemblée, Les Républicains (LR) se vantent, après d’âpres négociations avec Elisabeth Borne et quelques coups de théâtre parlementaires, d’un vrai tour de force. A l’issue d’une commission mixte paritaire (CMP) qui a accouché d’un compromis mardi après-midi, quasi-épilogue du feuilleton du projet de loi sur l’immigration, ce n’est plus une pilule qu’a fait avaler LR au gouvernement, mais la boîte de médicaments toxiques tout entière. Un remède bien amer, à l’arrière-goût xénophobe, proche, sinon quasi identique, à celui prescrit par le Rassemblement national depuis des années.
Décryptage
Avant le vote final du projet de loi, prévu dans la soirée de mardi, la droite n’a pas caché sa joie, capable d’imposer à une Première ministre un temps proche du Parti socialiste une version à droite toute du texte, celle votée par la majorité sénatoriale en novembre. C’était l’objectif de la motion de rejet, adoptée lundi 11 décembre au Palais-Bourbon. Un coup de poker gagnant d’Olivier Marleix, chef de file des députés LR. Du bureau de la locataire de Matignon au huis clos de la CMP, Les Républicains ont pu dérouler leurs exigences de «fermeté» sans se heurter à une opposition trop coriace.
«La droite Pasqua est de retour !»
Du miel pour les chefs LR, paradant et criant victoire quelques heures avant le vote du projet de loi : «Nous avons mis en échec, en votant la motion de rejet, un texte qui était impuissant et inutile, voire qui avait des côtés dangereux sur la régularisation des clandestins, pour promouvoir un texte responsable avec de vraies dispositions qui sont de nature à infléchir la politique migratoire», s’est vanté Eric Ciotti, le patron des Républicains. Le camp présidentiel a adoubé «90 % de notre texte», s’est félicité le président des sénateurs LR, Bruno Retailleau. «La droite Pasqua est de retour !» trompetait même quelques heures avant l’accord en CMP Olivier Marleix, élu d’Eure-et-Loir et ex-collaborateur de l’ancien ministre de l’Intérieur qui assumait en 1988 ses «valeurs communes» avec le Front national de Jean-Marie Le Pen.
Parti microscopique sur le plan électoral et idéologique, mais en position de tordre le bras de l’exécutif, LR ne s’encombre pas d’une prise de distance avec les discours triomphalistes de Marine Le Pen, satisfaite après la CMP d’une «victoire idéologique». Quotas d’immigration débattus au Parlement, rétablissement d’un délit de séjour irrégulier, promesse d’une réforme de l’Aide médicale d’Etat, fin de l’obtention automatique de la nationalité à la majorité pour les personnes nées en France de parents étrangers… La liste des mesures validées en CMP et applaudies par le RN est longue.
L’original et la copie
Le durcissement des conditions d’octroi des prestations sociales pour les étrangers, et notamment des APL, qui seront conditionnées à cinq ans de présence sur le territoire pour ceux qui ne travaillent pas et trois mois pour ceux qui travaillent – contre six mois actuellement – a marqué un point de bascule, la gauche dénonçant un pas vers la «préférence nationale», pierre angulaire du programme lepéniste. Contournés sur leur flanc droit par Le Pen, Les Républicains s’en remettent à une prétendue crédibilité technique. «Chacun peut revendiquer une victoire, a répondu Ciotti à l’Assemblée, mais en tout cas, ceux qui ont fait le boulot, qui ont écrit le texte, qui l’ont fait adopter au Sénat, qui ont travaillé avec les juristes les plus éminents de notre pays, c’est notre famille politique.» L’original, la copie, tout ça…