Première friture sur la ligne écolo-insoumis. Les déclarations de Jean-Luc Mélenchon concernant la visite à Taïwan de l’Américaine Nancy Pelosi, présidente de la Chambre des représentants des Etats-Unis – une «provocation» à l’égard de Pékin car «Taïwan est une composante à part entière de la Chine» – ont contraint plusieurs cadres d’Europe Ecologie-les Verts (EELV) à briser la belle entente à gauche qui règne depuis les élections législatives de juin. Pour le secrétaire national d’EELV, Julien Bayou, cette «rhétorique de la provocation n’est pas tenable». «Cette doctrine est datée, il y a un aveuglement comme on l’a vu sur la Russie», explique à Libération le député de Paris en référence aux prises de position de Mélenchon sur Moscou avant l’invasion de l’Ukraine en février. Sur Twitter, Bayou avait défendu Taiwan, pays qui «agit librement face à la Chine». «Un pays démocrate, c’est forcément une provocation pour une dictature», avait-il ajouté.
Mélenchon parlait de "provocation" quand l'Ukraine démocrate se défendait au Donbass face à la Russie autoritaire.
— Julien Bayou (@julienbayou) August 5, 2022
Et parle de "provocation" de #Taiwan quand... ce pays agit librement face à la Chine.
Un pays démocrate c'est forcément une "provocation" pour une dictature.
«Il s’y connaît en provocation Jean-Luc…», a renchéri sur le même réseau social, Marine Tondelier, candidate en interne pour succéder à Bayou, contraint par les règles internes de sa formation de laisser son poste depuis son élection à l’Assemblée. Et l’actuelle conseillère municipale d’opposition à Hénin-Beaumont d’ajouter que «cette déclaration, clairement, en est une de plus et une de trop.» Yannick Jadot, resté à l’écart des discussions durant la formation de la Nupes en vue des législatives, y est lui aussi allé de son commentaire : «“Une seule Chine”, c’est d’abord “une seule dictature”», a tweeté l’ancien candidat à la présidentielle pendant que l’eurodéputé David Cormand a rappelé que «les Taïwanais sont libres de disposer d’eux-mêmes».
Le nationalisme chinois est un outil de propagande pour justifier la barbarie. « Une seule Chine », c’est d’abord « une seule dictature ».
— Yannick Jadot (@yjadot) August 5, 2022
La liberté et la démocratie sont des joyaux au cœur de nos combats politiques. Partout !
«On peut avoir des sujets de désaccord»
Les propos de Mélenchon ont un mérite pour les écologistes : rappeler leur ligne politique alors qu’ils effectuent des débuts timides à l’Assemblée nationale aux côtés de leurs collègues de la Nouvelle Union populaire écologique et sociale (Nupes). Bayou avance ainsi que «le principe d’une coalition est l’addition des forces et non la fusion». Interrogée par Libération, la députée EELV du Bas-Rhin, Sandra Regol, rappelle également que la «coalition [des gauches] s’est fait lors des législatives et non pour la présidentielle». Tout en indiquant que «la politique étrangère ne relève pas de l’Assemblée nationale mais du président de la République».
Malgré tout, ces prises de position peuvent-elles fragiliser l’unité de la Nupes ? «On peut avoir des sujets de désaccord, c’est plutôt sein et naturel», évacue Regol. «Lors des discussions sur notre programme commun, nous avions déjà évoqué ces désaccords, ce n’est pas un problème», complète Bayou. Côté socialiste, la prise de distance avec les propos de Mélenchon est moins affirmée. Le patron du parti Olivier Faure reconnaît ainsi que «l’opportunité de la visite de Nancy Pelosi à Taiwan est discutable», mais que «la volonté des Taïwanais de vivre en démocratie ne l’est pas».
L’opportunité de la visite de N.Pelosi à #Taïwan est discutable, la volonté des taïwanais de vivre en démocratie ne l’est pas.
— Olivier Faure (@faureolivier) August 5, 2022
Opposant en interne à Faure, le sénateur socialiste Rachid Temal ne se fait pas prier pour cogner, lui, l’insoumis et évoquer la «longue liste des désaccords stratégiques [du Parti socialiste] avec LFI et Mélenchon». Chez les insoumis, on reste bien au contraire fidèle aux dires du chef. «Quand il y a un conflit territorial de cette nature, ça doit se régler au sein du pays en question, et je crois que les Etats-Unis n’ont rien à faire en allant jeter de l’huile sur le feu comme ça», a réaffirmé vendredi 5 août sur RTL Manuel Bompard, député LFI des Bouches-du-Rhône. Le groupe vit bien.