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Cours d’éducation sexuelle et «théorie du genre» : la ministre de l’Education ressort un vieux fantasme réac

Mariage pour tousdossier
Anne Genetet et son secrétaire d’Etat Alexandre Portier veulent tous deux bouter la «théorie du genre» des programmes d’éducation sexuelle à l’école. Sans préciser où ils ont aperçu sa présence et révoltant la gauche et la frange la moins conservatrice du «socle commun».
Les ministres Alexandre Portier et Anne Genetet à Paris le 23 septembre 2024. (Dimitar Dilkoff/AFP)
publié le 28 novembre 2024 à 12h00
(mis à jour le 28 novembre 2024 à 14h39)

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Si vous regardiez Public Sénat mercredi 27 novembre après midi, vous avez peut-être cru assister à une rediffusion des mémorables débats sur le mariage pour tous. Mais non, vous n’étiez pas en 2013 et bien devant les questions au gouvernement à la chambre haute. Tout est parti d’une question du sénateur LR Max Brisson sur les programmes d’éducation à la vie affective, relationnelle et sexuelle de la maternelle au lycée. L’élu de droite demande au ministre LR délégué à la Réussite scolaire, Alexandre Portier, de le rassurer quant au fait «que toute référence à l’identité de genre et au wokisme sera retirée» de ces textes.

Catho conservateur et grand défenseur de l’enseignement privé, Portier défend alors le rôle de l’école en la matière mais fustige un programme «pas acceptable en l’état», émettant plusieurs «réserves» : «Je m’engagerai personnellement pour que la théorie du genre ne trouve pas sa place dans nos écoles. […] Le militantisme n’a pas sa place à l’école : je veux un encadrement strict de tous les intervenants.» Ah, la «théorie du genre», ce fantasme repoussoir des réacs, gimmick de la droite du début des années 2010… La réponse du ministre très proche de Wauquiez satisfait en tout cas Brisson, qui en tartine une nouvelle couche sur le «zèle militant d’associations» qui «prônent le bisexualisme et le polyamour et qui banalisent les transitions de genre» (ça fait peur).

«Fausses infos» et Manif pour tous

Mais s’il a séduit la frange la moins progressiste de son camp, Portier a aussi révolté la gauche et surtout ses alliés macronistes du «socle commun». Aurore Bergé, ex-ministre déléguée à l’Egalité femmes-hommes, l’a ainsi violemment allumé sur X : «Un ministre ne devrait pas diffuser de fausses informations en agitant des peurs et des fantasmes pour espérer se faire connaître des Français. Il n’est nullement question de “théorie du genre” dans l’éducation à la vie affective. […] Il suffit de lire (vraiment) le programme prévu.» Sur Public Sénat ensuite, le sénateur Renaissance Xavier Iacovelli s’est lui aussi désolidarisé de Portier : «J’ose espérer que la réponse du ministre n’était que son point de vue personnel et pas la ligne du gouvernement […], en tout cas pas le gouvernement que je suis censé défendre.» Lui non plus «pas du tout» d’accord avec le ministre, l’élu des Hauts-de-Seine a tenu à réaffirmer : «Il n’y a pas de “théorie du genre”, il faut arrêter avec cette idée qui est venue de la Manif pour tous et qui est alimentée par une droite réactionnaire.»

Anne Genetet s’aligne

Et de fait, il est difficile de voir où l’œil spécialiste du ministre a décelé ces spectres «woke» dans le programme en question, dont vous pouvez consulter l’essentiel ici. Sollicité par Chez Pol pour connaître les éléments précis auxquels il faisait référence, son cabinet ne nous a pas répondu. L’entourage de la ministre macroniste de l’Education nationale, Anne Genetet, a de son côté vanté auprès de la presse son «alignement» sur son collègue Portier, précisant pour qu’on comprenne bien : «La théorie du genre ne trouve pas sa place à l’école.» Sans, là non plus, entrer dans les détails malgré les nombreuses demandes d’explications des journalistes. Et son cabinet de préciser que l’expression «identité de genre», qui revenait plusieurs fois dans la précédente version du texte, ne figurerait pas dans la version définitive. Un vocable qui n’a pourtant rien de démoniaque, d’illégal ou plus simplement de gauchisant, comme on peut le lire sur ce site… gouvernemental : «L’identité de genre ne définit pas votre orientation sexuelle. […] L’identité de genre, c’est se sentir homme ou femme, ou non binaire c’est-à-dire ni strictement homme ni strictement femme. La violence ou les discriminations fondées sur l’orientation sexuelle et/ou l’identité de genre sont illégales et punies par la loi.» Contrairement à l’ignorance et à la mauvaise foi en politique.