Une «décision immédiate»… prise après de longues heures d’hésitation. Invité à prendre la parole vendredi 21 février lors d’une convention conservatrice américaine à Washington, le président du Rassemblement national, Jordan Bardella, a finalement annulé son intervention après qu’un autre orateur, l’idéologue Steve Bannon, a effectué, jeudi soir, un salut nazi à la tribune.
«J’étais convié […] à prendre la parole dans une intervention portant sur les liens entre les Etats-Unis et la France ainsi que sur la récente dynamique électorale des partis patriotes en Europe, a indiqué Jordan Bardella par communiqué. A cette tribune hier [jeudi], alors que je n’étais pas présent dans la salle, l’un des intervenants s’est permis, par provocation, un geste faisant référence à l’idéologie nazie. Par conséquent, j’ai pris la décision immédiate d’annuler mon intervention prévue cet après-midi lors de l’événement.»
«Un petit garçon, pas un homme»
Bardella devait intervenir à la «Conservative Political Action Conference» (CPAC), un rassemblement annuel majeur du conservatisme américain. Dans son discours concluant la première journée de l’événement, l’idéologue d’extrême droite et ancien conseiller de Donald Trump, entre 2016 et 2017, Steve Bannon, idéologue d’extrême droite et conseiller de Donald Trump de 2016 à 2017, a invité l’assistance à «se battre» avant de tendre le bras droit, dans un geste qualifié de «salut romain» par certains observateurs, mais que rien n’autorise à distinguer d’un salut hitlérien.
Bannon does a “roman salute” at the end of his CPAC speech. pic.twitter.com/IbI6PEsQxJ
— Italien Feeld (@julianfeeld) February 21, 2025
Bannon suivait l’exemple du plus proche soutien de Donald Trump, le milliardaire Elon Musk, qui avait lui-même effectué, à deux reprises, un geste similaire lors de l’intronisation du président américain, le 20 janvier. Interrogé par une journaliste du Point vendredi, Steve Bannon a réagi en des termes peu flatteurs pour le chef du RN : «S’il a annulé à cause de ce que les médias mainstream ont dit du discours, […] il n’est pas digne de diriger la France. C’est un petit garçon, pas un homme.» Récusant toute connotation nazie à son geste, Bannon affirme aussi avoir fait «exactement le même salut au Front national, il y a sept ans, quand j’ai fait un discours chez eux» – en 2018, lors d’un congrès du parti à Lille, dont il était l’invité vedette. L’Américain avait alors adressé un simple salut à la salle, dans une posture nettement moins explicite que celle de jeudi.
Alors que le Rassemblement national s’efforce de normaliser son image, il était délicat pour Bardella d’intervenir vendredi à la tribune sans paraître cautionner le geste de Steve Bannon. Si le parti d’extrême droite assure avoir renoncé à toute complaisance pour les régimes fascistes et nazis, il doit régulièrement répondre des propos de certains de ses membres, manifestement mieux disposés à leur égard. Depuis la réélection de Trump, il ne cache pas non plus son soutien au président américain, sans grandes réserves vis-à-vis des penchants autoritaires et racistes de celui-ci et de son entourage.
«Syndrome du petit frère»
La venue de Bardella au CPAC posait tout de même question au sein du RN. «C’est la quatrième ou la cinquième fois qu’on y va, à chaque fois on revient en se disant que ce n’est pas l’idéologie du RN, s’interroge un cadre frontiste. Il y a quand même un problème : sur l’homosexualité, l’avortement, le mélange entre la religion et la politique, ce n’est pas le socle du RN, on n’est pas conservateurs.» Le même fait remarquer que Marine Le Pen, bien moins soucieuse de séduire la droite réactionnaire, s’est toujours gardée de se rendre à ce genre de grand-messe.
Le voyage de Bardella outre-Atlantique étonne d’autant plus que le même raillait, un mois plus tôt, ses concurrents d’extrême droite Marion Maréchal (Identité Liberté) et Sarah Knafo (Reconquête), spectatrices empressées de l’investiture de Trump. «Je n’ai pas le syndrome du petit frère et je considère que le rôle de la France n’est pas de se positionner à côté ou à l’ombre d’une grande puissance», professait-il alors. Un mois plus tard, et alors que le milliardaire américain et son vice-président, J. D. Vance, multiplient les déclarations outrancières sur l’Ukraine et l’avenir de l’Europe, la présence de Jordan Bardella à Washington vient mettre à mal le récit d’un RN non aligné sur l’extrême droite trumpiste.
Jeudi, la CPAC a aussi été marquée par l’apparition d’Elon Musk, qui a brandi une tronçonneuse offerte par le président argentin, Javier Milei, en présence de celui-ci. L’engin est devenu le symbole du démantèlement de l’appareil d’Etat que mettent en œuvre les deux personnalités dans leurs pays respectifs. Outre Bardella, l’eurodéputée française zemmouriste Sarah Knafo est également présente à l’événement, auquel Marion Maréchal avait déjà été conviée en 2018.
Mise à jour à 16 h 28 avec la réaction de Steve Bannon au retrait de Jordan Bardella.
Mise à jour à 17 h 05 avec de nouveaux éléments de contexte.