Certains le qualifiaient «d’artiste de la politique», Libé l’appelait «Soisson l’embrouille». Ministre sous Giscard comme Mitterrand, ancien député de l’Yonne et maire d’Auxerre, Jean-Pierre Soisson est mort ce mardi 27 février à 89 ans, après une longue carrière politique qui l’a conduit à jouer les caméléons, quitte à composer avec l’extrême droite.
«Jean-Pierre Soisson est mort paisiblement, entouré de sa famille aujourd’hui en fin d’après-midi» à Auxerre, a déclaré mardi soir l’un de ses deux fils, David Soisson. L’ancien responsable politique «luttait depuis de longues années contre un cancer», a-t-il ajouté.
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En 1998, cet homme à l’implantation locale profonde, qui fut l’homme fort de la Bourgogne avant de s’éloigner du terrain politique depuis 2012, avait fait partie des cinq centristes élus présidents de région grâce au Front national. «Je ne le regrette pas. On avait accepté les voix du FN mais il n’y avait aucune négociation possible avec eux», se défendait-il en 2011, affirmant avoir vécu «difficilement» cet épisode qui ternit son retour à la tête de la Bourgogne.
Après quarante-cinq ans de mandats électifs, Jean-Pierre Soisson venait alors de tirer sa révérence en renonçant à se représenter à l’Assemblée nationale en 2012.
«Rôle d’assistante sociale»
Homme de terrain au tutoiement facile, célèbre pour son entregent et son goût de la bonne chère, ce séducteur a su entretenir ses relations avec les élus locaux, quelle que soit leur étiquette politique. Partisan d’une «démocratie apaisée», refusant d’être «l’homme de l’affrontement», le député de l’Yonne confiait avoir conçu son engagement politique local comme «un véritable rôle d’assistante sociale», alors qu’il y a «de moins en moins de curés et de médecins».
Longtemps homme fort de la Bourgogne, celui qui a été maire d’Auxerre de 1971 à 1998 et constamment réélu député depuis 1968, aimait à rappeler qu’il avait débuté sa carrière politique «avec Edgar Faure».
Né le 9 novembre 1934 à Auxerre, fils d’un industriel, Jean-Pierre Soisson, sous-lieutenant en Algérie (1957-59), il avait rejoint la Cour des comptes à sa sortie de l’ENA en 1962. Il intègre ensuite des cabinets ministériels, avant de devenir un collaborateur de Valéry Giscard d’Estaing, comme secrétaire général adjoint de la fédération nationale des Républicains indépendants (RI) de 1969 à 1975. Entré au gouvernement dès 1974 comme secrétaire d’État aux Universités, il est nommé ministre de la Jeunesse, des sports et des loisirs (1978-81) dans le gouvernement de Raymond Barre.
«Séduit par Mitterrand»
Durant le premier septennat de François Mitterrand, Jean-Pierre Soisson se replie sur son fief bourguignon, tout en animant le Parti républicain (PR), dont il est un des fondateurs.
Puis en 1988, «séduit par François Mitterrand», il devient le symbole de l’«ouverture» en entrant dans le gouvernement de Michel Rocard comme ministre du Travail (1988-1991). Reconduit à la fonction publique par Edith Cresson (1991-1992), il sera le ministre de l’Agriculture de Pierre Bérégovoy (1992-1993).
Ce père de deux fils, déjà auteur de plusieurs ouvrages, dont Charles le Téméraire (1997) et Paul Bert, l’idéal républicain (2008), a consacré ses dernières années à l’écriture dont celle de ses mémoires, Hors des sentiers battus - Chronique d’une vie politique, publiés en 2015. A la sortie du livre, il avait jugé dans dans le journal l’Yonne républicaine : «J’ai conduit mon sillon à peu près droit, et avec honnêteté».