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L’Assemblée nationale adopte largement le projet de loi pour «refonder» Mayotte

La Chambre basse a voté à 367 voix pour et 109 voix contre le texte, la gauche ayant préféré voter contre ou s’abstenir à cause du durcissement du volet migratoire, en partie durci par le RN lors d’un examen marqué par un fort absentéisme.
A la périphérie de Mamoudzou après le passage du cyclone Chido, le 24 décembre 2024. (Patrick Meinhardt/AFP)
publié le 1er juillet 2025 à 20h16

Le gouvernement vante un texte d’une «ambition politique sans précédent» pour «concrétiser la promesse républicaine» à Mayotte, où les inégalités avec l’Hexagone restent abyssales. Plus de six mois après Chido, l’Assemblée nationale a largement adopté ce mardi 1er juillet le projet de loi-programme du gouvernement pour «refonder» Mayotte, le département le plus pauvre de France confronté avant même le passage ravageur du cyclone à d’immenses défis.

La Chambre basse a voté le texte à 367 voix pour et 109 voix contre. Déjà adopté en mai par le Sénat, le texte doit désormais faire l’objet d’un compromis entre sénateurs et députés la semaine prochaine en commission mixte paritaire (CMP), avec une probable adoption définitive dans la foulée.

«Avec cette loi, Mayotte pourra mieux affronter le fléau qui empêche son développement, comme l’habitat illégal, l’insécurité ou l’immigration irrégulière», s’est félicité le ministre des Outre-Mer, Manuel Valls, après le vote. Cette loi «concrétise surtout des promesses, parfois anciennes et jusqu’ici non tenues», a ajouté Valls, citant notamment la convergence sociale inscrite dans le marbre.

Durant les débats, parfois houleux, de nombreux députés ont rappelé à l’ancien Premier ministre socialiste la promesse de son gouvernement, il y a dix ans, d’un alignement des droits sociaux avec l’Hexagone pour 2025.

«Ce texte est solide […]. Il prévoit 4 milliards d’euros d’investissement sur six ans. C’est inédit et c’est puissant», a également souligné le ministre après le vote.

En dépit d’avancées sociales, comme l’alignement du montant du smic avec celui de l’Hexagone en 2027, la gauche a préféré voter contre ou s’abstenir en raison du volet migratoire, en partie durci par le Rassemblement national lors d’un examen marqué par un fort absentéisme.

Dans la foulée du vote, Marine Le Pen a réagi sur X : «Largement amendé par les députés du Rassemblement national», le projet de loi est «une victoire pour les Mahorais qui attendaient des mesures fortes pour lutter contre l’immigration, rétablir la sécurité sur l’île et assurer l’égalité sociale».

Il prévoit une série de mesures de lutte contre l’immigration, et permet par exemple le placement en rétention de mineurs accompagnant un majeur faisant l’objet d’une mesure d’éloignement.

Au sujet de l’habitat informel, une mesure permet la destruction des bidonvilles, avec la possibilité de déroger à l’obligation d’une offre de relogement ou d’hébergement d’urgence.

«Pendant qu’on parle d’expulsion et de centres de rétention, l’eau ne coule toujours pas à Mayotte, les écoles ferment, les robinets sont à sec», a fustigé le député Davy Rimane (groupe communiste et ultramarin), dénonçant un «texte qui sert de laboratoire politique» aux idées d’extrême droite pour «en faire un modèle exportable» à d’autres territoires en France.

Vendredi, au dernier jour de l’examen, le groupe de Marine Le Pen s’est parfois retrouvé majoritaire dans l’hémicycle, à tel point que Manuel Valls avait lui-même fustigé l’absence du «socle commun», permettant à des mesures «scandaleuses» d’être adoptées.

Comme cette ligne ajoutée à la feuille de route du gouvernement pour Mayotte (un rapport annexé au projet de loi, sans valeur contraignante toutefois) qui prévoit désormais un moratoire sur la scolarisation d’enfant de parent étranger en situation irrégulière.

«Solidarité nationale»

Après le vote, le ministre a formulé le vœu que la CMP permette de revenir sur ces «ajouts regrettables et inconstitutionnels». A l’inverse, Manuel Valls espère que les députés et sénateurs réintroduiront une mesure supprimée à l’Assemblée nationale qui facilite les expropriations afin de permettre la construction de certaines infrastructures essentielles.

La mesure est particulièrement irritante pour les Mahorais et sa suppression a été saluée par la députée de Mayotte Estelle Youssouffa (groupe Liot) lors de son discours à la tribune. L’élue, mobilisée tout au long de l’examen, avec parfois des échanges très durs avec le ministre ou d’autres députés, a applaudi «un changement de cap capital» avec ce texte.

Elle a également souligné l’abrogation du visa territorialisé en 2030, qui empêche un détenteur d’un titre de séjour mahorais de venir dans l’Hexagone. «La solidarité nationale jouera enfin pleinement en 2030 et l’Hexagone, la Réunion, assumeront aussi les conséquences du fardeau migratoire», selon elle.

Le RN y était opposé, y voyant une «fausse bonne idée», avec une mesure qui «fera appel d’air». Estelle Youssouffa a aussi applaudi les 4 milliards d’euros d’investissements mis sur la table par l’Etat, avant de lancer, lasse des fausses promesses des gouvernements successifs, un avertissement au ministre Valls : «Si vous êtes encore là cet automne, vous me trouverez sur votre chemin lors du projet de loi de finances pour vérifier que pas un euro ne manque pour Mayotte.»