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Bloquons tout

Le 10 septembre pour LFI : tout miser au risque de perdre beaucoup

Les insoumis soutiennent pleinement le mouvement Bloquons tout, avec en ligne de mire la destitution d’Emmanuel Macron. Une stratégie qui pourrait se révéler contre-productive si la mobilisation n’est pas au rendez-vous.

Une affiche posée à Toulouse, le 7 septembre 2025. (Pat Batard/Hans Lucas. AFP)
ParSacha Nelken
Journaliste - Politique
Publié le 09/09/2025 à 12h26

Le mot d’ordre était clair, la machine lancée. En cette fin août, les insoumis ont décidé d’épouser pleinement le mouvement social Bloquons tout qui se prépare. «Le 10 septembre, on en finit avec Bayrou», martelaient-ils alors, convaincus qu’une forte mobilisation pourrait contribuer à faire tomber le Premier ministre. Finalement, le chef du Modem ne devrait pas avoir besoin de ça pour quitter Matignon. En annonçant se plier à un vote de confiance qui n’a aucune chance de lui être favorable, le Palois a précipité sa propre chute. Une bonne nouvelle, bien sûr, pour la France insoumise. Mais pas une raison suffisante pour estimer que «la grève générale» qu’ils appelaient de leurs vœux n’a finalement plus lieu d’être… Au contraire.

Plutôt que de se détourner de Bloquons tout, LFI a donc fait le choix de changer de récit. Bayrou condamné, c’est maintenant Emmanuel Macron qui est en première ligne, et donc à lui de partir puisqu’il est le seul responsable du blocage, affirme-t-on au sein du mouvement mélenchoniste. Le message est martelé à longueur de journée par les cadres insoumis pour tenter de mobiliser la France en colère en vue du 10 septembre. Mais aussi pour commencer à faire accepter au grand public l’hypothèse d’un départ prématuré du chef de l’Etat. Idée qui, d’après LFI, ferait son chemin petit à petit. «Il y a une vraie défiance des gens vis-à-vis d’Emmanuel Macron. Ils ont compris que c’était lui le cœur du problème», explique le député de Haute-Vienne Damien Maudet. Selon lui, les appels au départ du Président «n’effraient» pas les personnes mobilisées dans les boucles Bloquons tout.

«Révolution citoyenne»

Comment Jean-Luc Mélenchon, qui prône depuis des années «la révolution citoyenne» contre l’oligarchie, aurait pu de toute façon agir autrement ? Dès la fin de l’été, les insoumis n’ont pas tergiversé et ont apporté très rapidement leur soutien au mouvement du 10 septembre en expliquant partager ses principaux mots d’ordre. «Notre objectif est évidemment de nous appuyer sur un mouvement social qui s’inscrit dans la durée», affirme le coordinateur de LFI Manuel Bompard. Surtout que la colère contre Emmanuel Macron est grande dans le pays. «Elle n’a jamais été aussi forte», estime même le député de Haute-Garonne Hadrien Clouet en se basant sur les remontées des boucles locales dans sa circonscription. Localement, les députés accompagnent donc les assemblées qui organisent les évènements du jour J. Et pour s’assurer que la question du départ d’Emmanuel Macron reste bien dans l’air, LFI prévoit, pour les prochaines semaines, une grande campagne «Macron destitution» basée sur des affiches, des tracts et une pétition. Sans oublier la motion de destitution qui sera formellement déposée le 9 septembre à l’Assemblée nationale.

Malgré le côté imprévisible du 10 septembre, les insoumis ne doutent pas et estiment que tous les éléments leur donnent raison. D’autant qu’une note de la fondation Jean Jaurès publiée lundi 1er septembre est venue conforter les insoumis dans leur stratégie de se mettre en soutien de Bloquons tout. En épluchant les réponses à un questionnaire envoyé dans les boucles Telegram réunissant les personnes mobilisées pour la journée du 10 septembre, Antoine Bristielle, l’auteur de l’étude, a déterminé le portrait-robot du soutien de la mobilisation. Il serait proche de la gauche radicale, politisé, socialement inséré, attaché à la justice sociale et peu sensible au rejet identitaire. Surtout, 69 % des interrogés ont voté Jean-Luc Mélenchon au premier tour de la présidentielle de 2022. Du pain bénit donc pour LFI qui peut s’attendre à ce que la majorité des mobilisés ne soit pas hostile à sa présence et son volontarisme auprès du mouvement qui se décrit pourtant comme apolitique.

«Que diront-ils si les mobilisations sont très puissantes ? »

Reste qu’en mettant autant d’énergie pour se placer aux côtés de Bloquons tout, la France insoumise prend un risque. Car si la journée du 10 septembre est un fiasco, parce que les mobilisations sont de faible ampleur par exemple, beaucoup ne manqueront pas d’affirmer que cet échec est celui de LFI. Et surtout que s’ils n’ont pas participé aux manifestations, aux piquets de grève ou aux blocages, c’est parce que les Français ne réclament pas la démission d’Emmanuel Macron. «Bien sûr que ce genre d’attaques est prévisible. Elles n’ont pas montré beaucoup d’efficacité pour l’instant au vu de la colère du pays. Et que diront-ils si les mobilisations sont très puissantes ?» évacue Manuel Bompard. D’ailleurs, ce dernier affirme que quoi qu’il arrive, la rentrée sera forcément un succès à partir du moment où elle a déjà entraîné la chute de François Bayrou.