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Le «M. Education» du RN estime que Najat Vallaud-Belkacem n’aurait jamais dû être ministre car elle est franco-marocaine

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Pour Roger Chudeau, spécialiste des questions d’éducation pour le parti d’extrême droite, les postes ministériels ne peuvent pas être confiés à des double nationaux. Dans son viseur, l’ancienne ministre Najat Vallaud-Belkacem.
L'ancienne ministre de l'Education nationale Najat Vallaud-Belkacem à Lyon, le 17 mars 2021. (Cyril Zannettacci/Vu pour Libération)
publié le 28 juin 2024 à 7h20

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Certains prétendent que le RN a changé et c’est étonnant car il suffit de tendre l’oreille pour s’apercevoir que le parti d’extrême droite ne bouge pas d’un iota et reste fidèle à lui-même, empreint d’une xénophobie crasse et indélébile. Roger Chudeau, ex-député RN en lice pour sa réélection, vient d’en apporter un nouvel exemple, ce jeudi soir, sur BFMTV. Spécialiste des questions d’éducation – on se souvient de sa passe d’armes avec des syndicats d’enseignants l’an dernier – est souvent présenté comme un ministre potentiel d’un éventuel gouvernement Bardella. Si jamais cette ambition se concrétise, il ne faudra pas oublier les mots du candidat, assurant sans frémir que, selon lui, une ancienne ministre de l’Education nationale n’aurait pas dû être nommée à un tel poste en raison de sa double nationalité.

Voilà qui contredit le discours de Jordan Bardella, en mission déminage depuis plusieurs jours et expliquant à longueur d’interviews que sa mesure de restriction des emplois aux personnes ayant une double nationalité ne concerne qu’une dizaine de postes dits sensibles. Et les caciques du RN de prendre en exemple un Franco-Russe qu’on ne voudrait pas voir à la tête d’une centrale nucléaire. Sauf que personne n’est dupe et, quand le RN parle de double nationalité et de risque de «double allégeance», pour reprendre les mots de Jean-Philippe Tanguy, on vise plutôt le Maghreb que la Mère Patrie.

«La sécurité nationale exige que nous soyons absolument sûrs de la loyauté de quelqu’un», a lancé Chudeau avant de parler de lui-même de Najat Vallaud-Belkacem, qu’il présente simplement comme «Franco-Marocaine». «Je pense que c’était une erreur [qu’elle soit ministre] et que ce n’était pas une bonne chose pour la République», a-t-il ajouté, estimant que «les postes ministériels doivent être détenus par des Franco-Français». «Ça a été dit par Jordan et Sébastien Chenu, c’est tout à fait clair, a-t-il ajouté. Ce qui s’applique à un haut fonctionnaire doit s’appliquer à son ministre, tout le monde peut comprendre ça.»

Pour appuyer son propos et alimenter le procès en «double allégeance», Chudeau a ressorti une grosse infox de la benne de l’extrême droite : la volonté supposée de «NVB» d’imposer des cours d’arabe au CP. Un fantasme de l’extrême droite déjà démonté en… 2016. «L’assimilation inversée progresse. A votre avis, quelle est la prochaine étape ?» s’interrogeait alors un jeune Bardella. Sauf que la ministre mettait juste en application des conventions internationales permettant l’apprentissage d’une langue vivante dès le CP parmi une large liste, de l’anglais à l’allemand en passant notamment par l’arabe. Les élus frontistes ne s’étaient en revanche pas trop émus de la possibilité que soit enseigné, dès le primaire, le serbe ou l’espagnol. Un oubli, sûrement.

Où est le front républicain ?

Jeudi soir, Vallaud-Belkacem n’a pas répondu à l’ignominie des propos du lepéniste. D’autres, y compris dans la majorité macroniste, s’en sont chargés. Elle en a en revanche profité pour interpeller la majorité macroniste. «Question simple à l’adresse des candidats Renaissance et d’Emmanuel Macron : cautionnez-vous cela ? Sinon, vous savez ce qu’il vous reste à faire : vous engager, à chaque fois que vous arriverez troisième, à vous désister en faveur du candidat qui respecte les valeurs de la République», a-t-elle posté sur X. «Grossier mensonge. Grossier menteur. Elle est le meilleur de la République et vous en êtes la honte, a renchéri pour sa part Boris Vallaud, l’époux à la ville de l’ancienne ministre. La responsabilité de celles et ceux qui ne se désisteront pas face au RN au second tour est posée aujourd’hui : elle est immense.»

De son côté, Chudeau a terminé la soirée la queue entre les jambes et expliqué dans un message sur réseaux sociaux que sa position «est un avis strictement personnel, et n’engage nullement» son parti. C’est étrange car, quelques minutes plus tôt, il estimait pourtant que sa position avait été validée par Bardella & cie. Et la direction du parti dans tout ça ? Elle le lâche totalement. Sur CNews, Marine Le Pen s’est dite «un peu estomaquée» que son candidat exprime un avis personnel «totalement contraire au projet du RN». Une incompréhension, sûrement, ou, comme dirait un Franco-Italien : Che cazzo ?