Un élu peut-il utiliser l’argent dont il dispose dans le cadre de sa réserve parlementaire pour financer une association dont il est lui-même président ? Non, estiment les magistrats de la cour d’appel de Nancy, qui ont décidé ce mardi, après plusieurs années de recours judiciaires, de renvoyer le maire LR de Metz, François Grosdidier, devant le tribunal correctionnel d’Epinal. L’édile LR devra répondre des accusations de «détournement de fonds» et «prise illégale d’intérêts». «Nous contestons formellement ces incriminations et nous nous interrogeons sur l’opportunité d’un pourvoi en cassation», a réagi auprès de l’AFP son avocat, Alain Behr.
L’affaire remonte à 2009. François Grosdidier, député UMP depuis 2002, préside «Valeur écologie», une association présentée comme un «think tank de l’écologie de droite». Cette année-là, l’association reçoit 60 000 euros venant tout droit de la réserve parlementaire du député, comme le révélera Mediapart en 2012. En 2011, «Valeur écologie» reçoit encore 100 000 euros. Source de clientélisme pour les uns, aide précieuse à destination des associations locales et des collectivités pour les autres, la réserve parlementaire a été supprimée en 2018 dans le cadre de la loi de moralisation de la vie publique.
Plainte d’Anticor
Le feuilleton judiciaire démarre en 2013. Philippe Mousnier, ancien candidat du «Rassemblement anti-cumulards» aux cantonales de 2011 face à Grosdidier, dépose plainte contre son adversaire. Il l’accuse d’avoir utilisé à deux reprises des fonds de sa réserve parlementaire pour subventionner l’association en question. Fondée par l’ancien ministre Serge Lepeltier, «Valeur écologie» est alors soupçonnée d’avoir roulé pour l’actuel maire de Metz, par ailleurs élu sénateur en 2011.
En 2015, le plaignant est rejoint par l’association anticorruption Anticor, également constituée partie civile. Multipliant les recours devant la justice, François Grosdidier se défend alors de toute infraction et plaide qu’un député n’est pas en charge d’une mission de service public, et ne peut donc pas être poursuivi pour détournement de fonds. Un argument recevable, selon un juge d’instruction ayant rendu une ordonnance de non-lieu, confirmée en appel en juin 2017 par la chambre de l’instruction de Metz.
Condamné en 2015
Mais la Cour de cassation a cassé ce non-lieu et renvoyé l’affaire devant la chambre de l’instruction de Nancy. La plus haute juridiction avait alors jugé qu’un «sénateur, qui accomplit, directement ou indirectement, des actes ayant pour but de satisfaire à l’intérêt général, est une personne chargée d’une mission de service public», rapporte Anticor. Un parlementaire utilisant des fonds accordés dans le cadre de son mandat afin de satisfaire ses intérêts propres peut désormais être jugé pour détournement de fonds publics.
Le 7 février 2019, le maire de Metz a ainsi été mis en examen pour «prise illégale d’intérêts» et «détournement de fonds publics.» Elu maire de Metz en 2020, François Grosdidier avait déjà été condamné en 2015 pour «détournements de biens publics» : à l’époque où il était député-maire et candidat à la présidence de l’UMP, en 2004, l’élu utilisait un véhicule de fonction de sa mairie pour effectuer des allers-retours entre sa ville et Paris.