En juillet 2024, la révélation d’un dîner entre l’ancien Premier ministre, Edouard Philippe, et Marine Le Pen, par Libération avait soulevé une vague d’interrogations auxquelles le chef d’Horizons avait répondu du bout des lèvres. Questionné sur TF1, le maire du Havre avait assuré que cette rencontre avait été organisée «parce qu’on se connaît peu». Et le Normand, qui avait eu besoin de passer toute une soirée avec la leader d’extrême droite pour s’en rendre compte, d’ajouter : «Nous avons constaté à l’issue de ce dîner cordial que nous avions des désaccords très profonds, sur de très nombreux sujets.»
Décryptage
Son opinion sur les idées de l’extrême droite n’est visiblement pas partagée par tous au sein de son parti. D’après une enquête publiée ce mercredi 6 août par Mediapart, le maire Horizons de Mantes-la-Jolie, Raphaël Cognet, est associé au maire ciottiste de la petite commune de Saint-Jeoire (Haute-Savoie), Antoine Valentin, depuis 2023. Les deux élus ont en effet développé l’institut Politicae, censé former de futurs maires pour 2026. Problème : cette collaboration avec un allié du RN est également financée majoritairement par le milliardaire Pierre-Edouard Stérin, qui souhaite s’en servir pour «former et faire gagner en 2026 environ 1 000 maires de petites et moyennes communes». Le média en ligne affirme même que Politicae serait «l’un des outils principaux» de Périclès (pour «Patriotes enracinés résistants identitaires chrétiens libéraux européens souverainistes»), le projet de Stérin pour faire gagner l’extrême droite.
Eric Ciotti et Jordan Bardella cités en exemple lors des formations
Malgré ce sulfureux financeur, Raphaël Cognet assure que l’objet de son institut, qui n’aurait «aucun lien avec l’extrême droite», n’est que «de faire témoigner des maires sur leur quotidien et d’expliquer aux candidats novices ce qu’est une campagne électorale pour favoriser l’engagement local». Et l’élu philippiste d’ajouter : «Nous avons créé Politicae bien avant l’existence de Périclès. Nous ne faisons “partie intégrante” d’aucun projet et gardons une autonomie très forte par rapport à nos différents mécènes.» Pourtant, la structure serait installée au sein des locaux parisiens de l’entreprise de Pierre-Edouard Stérin et ses intervenants formateurs sont presque exclusivement issus de la droite réactionnaire ou de l’extrême droite.
Parmi eux figureraient ainsi Barthélémy Martin, ex-candidat de l’alliance LR-RN défendue par Eric Ciotti aux législatives en Charente ou Philippe de Gestas, ex-secrétaire général du groupuscule Sens commun, un temps chef de cabinet de Nicolas Sarkozy au conseil général des Hauts-de-Seine, élu au conseil régional des Pays de la Loire sur la liste LR de Bruno Retailleau et soutien d’Eric Zemmour en 2022. Des journalistes de Boulevard Voltaire, le média fondé par le maire de Béziers soutenu par le RN Robert Ménard, seraient aussi de la partie. C’est le cas de Jean Bexon, chargé d’enseigner la communication en citant notamment Nicolas Dupont-Aignan, Eric Ciotti ou Jordan Bardella en exemple. Par ailleurs, Philippe de Gestas, collaborateur de Périclès, qui a présenté les deux fondateurs de Politicae à Stérin, a aussi donné une masterclass pour l’institut.
Malgré une myriade d’éléments dont tous portent à croire que la petite entreprise du maire de Mantes-la-Jolie œuvre à la victoire de l’extrême droite, Horizons préfère regarder ailleurs. En dépit des craintes formulées par des membres locaux de la formation d’Edouard Philippe auprès de leur état-major. L’ancien Premier ministre ne souhaite d’ailleurs pas s’exprimer sur le sujet tandis que le parti se contente de rappeler que «les activités professionnelles des élus ne concernent pas Horizons». Circulez, il n’y a rien à voir. Il semble donc bien difficile pour le parti du «bloc central» de prendre le risque de désavouer l’un de ses quinze maires de communes de plus de 30 000 habitants. Loin s’en faut : Raphaël Cognet est déjà assuré de recevoir l’investiture Horizons pour 2026.