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Nouveau Front populaire

Le plan des socialistes pour pousser Olivier Faure à Matignon

L’ensemble des socialistes, plusieurs membres de l’opposition interne compris, estiment que leur Premier secrétaire s’impose comme le seul candidat possible à Matignon. Et le font savoir.
Le député François Hollande arrive à l'Assemblée nationale avec Olivier Faure et les autres députés socialistes, à Paris, le 9 juillet 2024. (Denis Allard/Libération)
publié le 9 juillet 2024 à 18h30

Le temps semble être remonté en arrière à l’Assemblée. Sous un ciel menaçant, une soixantaine de députés socialistes tout sourire posent face à une nuée de photographes, comme au temps de leur grandeur passée. Il y a deux ans, ce sont les insoumis qui avaient accaparé l’attention médiatique lors de leur rentrée. Une dissolution plus tard, les rapports de force ont été bouleversés. La gauche n’est plus une force d’opposition, mais le premier groupe de l’Assemblée nationale, qui prétend aujourd’hui former un gouvernement. Et les socialistes, désormais à quelques sièges près des insoumis (autour de 70 chacun), revendiquent Matignon. Juste avant leur photo de famille, Olivier Faure est arrivé sous les applaudissements des siens. Ce premier secrétaire si longtemps méprisé, tant de fois promis à la chute, est aujourd’hui candidat au poste de Premier ministre.

«Qui d’autre ?» interrogent les socialistes, passés à l’offensive ce mardi. Les lieutenants de Faure avancent groupés. Partout, ils racontent que le député de Seine-et-Marne est une évidence. Pierre Jouvet et Sébastien Vincini, les deux fidèles depuis son élection à la tête du parti en 2018, quand personne ne voulait s’y atteler, déroulent un argumentaire rodé. Pour commencer, le futur Premier ministre doit être issu du NFP, arrivé en tête des législatives. Ensuite, il ne peut s’agir que d’un socialiste, puisqu’un insoumis sera selon eux immédiatement rejeté. Pierre Jouvet a mis en garde Manuel Bompard, le coordinateur de LFI : «Pour gouverner, on doit être accepté par le président de la République, jamais il n’acceptera un insoumis. Ça ne peut être qu’un socialiste.»

«C’est la logique», admet-on dans l’entourage de Hollande

«Nos 174 candidats ont recueilli 2,5 millions de voix, contre 2,2 millions pour 210 insoumis», note aussi Sébastien Vincini, qui rappelle que les leurs ont été moins bien servis par l’accord du NFP. A ses yeux, la question de savoir qui revendique le plus gros groupe de députés à l’Assemblée est donc secondaire. Les socialistes se vantent par ailleurs d’être la première force de gauche au Sénat, à la tête d’exécutifs régionaux et de mairies. Cela admis, «le seul possible, c’est Faure», poursuit Jouvet. La veille, lors du bureau national du parti, Hélène Geoffroy, opposante interne, a dit au Premier secrétaire qu’il était légitime. «C’est la logique», admet-on dans l’entourage de François Hollande.

Ce mardi midi, l’ancien président de la République, qui n’a jamais eu beaucoup d’estime pour cet ancien collaborateur, a déjeuné dans ses bureaux de la rue de Rivoli avec Benoît Payan. Le maire de Marseille multiplie les allers-retours depuis la dissolution et joue un rôle clé dans toutes les discussions. «C’est notre tradition, c’est le Premier secrétaire qui part au combat», rappelle-t-il, citant François Mitterrand, François Hollande et Lionel Jospin.

«Je suis prêt à assumer» la fonction, a déclaré Olivier Faure dans la journée. «Qui d’autre ?» répète-t-on encore. Raphaël Glucksmann, qui peut revendiquer d’avoir ranimé le PS pendant les européennes, n’a jamais vraiment été candidat au poste. Un temps évoquée, l’ex-députée socialiste Valérie Rabault a été battue dans sa circonscription du Tarn-et-Garonne. Et dans l’entourage du président du groupe PS, Boris Vallaud, également cité, on constate : «Ça resserre les rangs autour de Faure.»

Interrogés sur cette hypothèse, les insoumis affichent un sourire moqueur et poussent encore la candidature de la députée Clémence Guetté, responsable du programme du mouvement. Mais certains admettent que «Faure fait partie des hypothèses». «Faure ou pas Faure, ce qui compte, c’est l’équilibre général pour mettre le programme en application», affirme le député LFI Hadrien Clouet.

«Les insoumis se disent que Faure est inoffensif», analyse un proche de Glucksmann. Comme l’eurodéputé, Mélenchon «ne joue pas ce coup-là». Beaucoup pensent que la vraie victoire se jouera en 2027, ou en cas de démission anticipée de Macron. Cette fois, la mission à Matignon est «sacrificielle». «Ça peut durer deux ans comme deux semaines», admet un socialiste.

«Ce qui a été fait par 49.3 peut se défaire par 49.3»

Toutes les composantes du NFP répètent qu’elles entendent gouverner sur leur programme et écartent une coalition des contraires avec le camp présidentiel. Aux macronistes de les soutenir s’ils le souhaitent. Mais avec moins de 200 députés, la majorité absolue est hors de portée. «On peut changer la vie des gens», insiste Pierre Jouvet, citant par exemple l’abrogation de la réforme des retraites. «Une loi simple, avec un article», imagine-t-il. Avec l’appui d’une partie de la droite et du Rassemblement national, elle pourrait en effet être votée.

Dans le cas contraire, «ce qui a été fait par 49.3 peut se défaire par 49.3» estime encore Jouvet, paraphrasant Olivier Faure lundi matin. Au sein du NFP, on évoque aussi la possibilité de gouverner par décrets. «Une erreur», pour certains : «ça contrevient au rapport au pouvoir que doit avoir la gauche. Si on fait ça, on sera désarmés quand la droite le fera ensuite.»

En réalité, la gauche sait que si elle parvient à former un gouvernement, celui-ci risquera d’être démis très vite. «Ce sera une guerre éclair avant de tomber», affirme un insoumis. Quelques semaines pour donner un aperçu de la gauche au pouvoir et obliger le reste des députés à clarifier leurs positions en faisant tomber un gouvernement qui répond à des aspirations sociales. Avec à sa tête, un Premier ministre en suspens, en fonction le temps de générer de l’espoir.