Ces derniers temps, le patron du Parti radical de gauche (PRG), Guillaume Lacroix, en a un peu marre de répondre dix fois aux mêmes questions. Depuis plusieurs jours, les journalistes des différentes rédactions l’appellent sans cesse à propos des derniers accrocs de la campagne de Christiane Taubira (qu’il soutient). D’autant qu’entre la vraie-fausse négociation à Romainville entre écolos et représentants de l’ancienne ministre, la question des parrainages qui peinent à entrer et la rumeur de potentiels blocages de signatures venus des rangs socialistes, les sujets de discussions sont nombreux. Alors pour ne plus avoir à décrocher vingt fois par jour son téléphone, le patron du petit parti de centre gauche a décidé de convoquer la presse lundi après-midi, histoire de «clarifier les choses». Surtout que Lacroix a une annonce à faire : le PRG se met en retrait de la campagne de l’ancienne garde des Sceaux.
Hasard du calendrier, Guillaume Lacroix a donc choisi la Saint-Valentin pour acter la rupture de son parti avec la candidate. Alors, en gentleman, l’élu d’Auvergne-Rhône Alpes met les formes. «Il n’y a pas de cassure, pas de rupture», explique-t-il. Pour tenter de se justifier, le patron du PRG répète que ce qu’il annonce n’a rien d’une nouveauté. «Je n’ai jamais varié de discours. Dès le comité exécutif du 18 décembre, le mandat que le parti m’a accordé était d’accompagner une dynamique de rassemblement à gauche», et non de «soutenir spécifiquement» la candidature de l’ancienne ministre de la Justice, développe-t-il. Il ajoute : «Christiane Taubira n’est pas PRG, elle est une femme libre, et le PRG n’a pas choisi Christiane Taubira pour le représenter.»
«Il n’y a jamais eu de pression»
Mais face à l’impossible union de la gauche, à laquelle le PRG semblait croire encore un peu, le dernier comité exécutif du parti a fixé une nouvelle ligne : chacun fait ce qui lui plaît. «Il n’y a pas de tension au sein du parti, mais certains élus estiment que la ligne n’est pas de s’engager derrière une candidature spécifique. C’est leur droit», résume Lacroix.
Il y aura donc deux camps au PRG dans les prochaines semaines : ceux qui continuent de s’engager auprès de l’ex-ministre et ceux qui s’abstiendront. Car à la direction du parti, on se veut clair : «L’état d’esprit n’est pas pour nos différents élus de soutenir un autre candidat.» Comprendre, c’est Taubira ou rien. Guillaume Lacroix insiste pourtant, notamment concernant les précieux parrainages dont la gagnante de la Primaire populaire manque cruellement : «A partir de maintenant, chaque élu est libre de son parrainage, il n’y a aucune pression du parti et il n’y en a jamais eu.» En ce qui le concerne, l’élu parrainera bien Taubira. «Le papier est sur mon bureau et il partira ce soir», dit-il. Et il poursuit, comme une défausse anticipée : «Il n’a jamais été convenu que la candidature de Christiane Taubira ne repose que sur les parrainages du PRG.» Surtout, Lacroix ouvre pour la première fois la porte à un potentiel abandon de la Guyanaise : «C’est la seule personne capable de décider une poursuite de sa candidature ou non», souffle-t-il.
Des retrouvailles logiques
Une vérité : la gauche se donne toujours en spectacle. C’est un art qu’elle maîtrise à merveille. Guillaume Lacroix avait l’air heureux avec Christiane Taubira. Il participait à des déplacements, toujours en train de tirer sur sa clope. Une «alliance naturelle», disait-il. La Guyanaise a porté les couleurs de sa famille en 2002, c’était il y a vingt ans tout rond, et les retrouvailles étaient logiques malgré de «petits désaccords». Le président du Parti radical de gauche défendait la candidature de la ministre qui a porté le mariage pour tous, sur toutes les ondes et lors des déjeuners avec la presse. Un allié idéal qui tapait à l’envi sur les autres candidatures à gauche : les «diviseurs». Guillaume Lacroix a longtemps hésité ces derniers mois. Il était à deux doigts de rejoindre la campagne de Yannick Jadot. Il entretient des liens d’amitié avec le secrétaire national écologiste, Julien Bayou. Ils se parlent tous les jours au téléphone – de longues discussions sur la vie et les législatives.
Le PRG cherche la meilleure solution pour gagner des sièges au Palais-Bourbon. Chaque boutique pense à sa petite existence. Une tête de l’équipe de Christiane Taubira ne cache pas son agacement après le lâchage de Lacroix : «C’est nul et petit.» Le terme «pas fiable» revient tel un gimmick. Peut-être qu’ils se retrouveront tous chez Jadot. La même tête : «On verra pour les prochains jours. On va se parler sans arrêter de faire campagne. Nous devons également continuer la chasse aux signatures.» Au lendemain de la Primaire populaire, le stratège de Christiane Taubira, l’ancien député socialiste Christian Paul, expliquait que sa candidate devait gagner la «bataille de février». Comprendre : créer une puissante dynamique pour obliger les socialistes et les écologistes à se ranger derrière elle. Nous sommes à la mi-février et l’ancienne ministre est en train de perdre sa bataille.