Joël Guerriau va-t-il devoir lâcher son siège au Sénat ? La pression monte sur l’élu de Loire-Atlantique, accusé d’avoir drogué à son insu la députée Sandrine Josso en vue de l’agresser sexuellement. Le parlementaire a été mis en examen vendredi soir pour «administration à l’insu [d’une tierce personne] d’une substance de nature à altérer son discernement ou le contrôle de ses actes afin de commettre un viol ou une agression sexuelle» ainsi que pour «détention et usage de substances classées comme stupéfiants». Il a depuis été placé sous contrôle judiciaire avec interdiction d’entrer en contact avec la plaignante. Le sénateur, élu depuis 2011 au palais du Luxembourg, doit-il pour autant démissionner ?
«C’est le juge pénal qui décide de la dignité des représentants»
Premièrement, Guerriau, dans ce cas précis, ne bénéficie pas de son immunité parlementaire, le régime juridique propre à sa fonction, qui le protège normalement des mesures privatives de liberté. En principe, la levée de cette immunité, consacrée par l’article 26 de la Constitution, nécessite le vote du bureau de l’Assemblée nationale ou Sénat. Mais cette procédure n’est pas requise en cas de «délit flagrant», notamment : c’est le cas en l’espèce, de la drogue ayant été retrouvée lors d’une perquisition au domicile du sénateur.
Interview
Pour l’heure, l’élu – toujours présumé innocent – est seul à pouvoir décider de démissionner de son mandat. En revanche, une condamnation entraînerait sa déchéance si elle était assortie d’une peine d’inéligibilité. «C’est le seul moyen de contourner une démission [personnelle]», précise une source parlementaire. Dans ce cas, il revient au Conseil constitutionnel «de constater simplement la déchéance qui résulte ipso facto de la survenance d’une cause d’inéligibilité», complétait Camille Aynès, maîtresse de conférences en droit public à l’Université Paris Nanterre, dans une note pour le Club des juristes en janvier 2023. «C’est en définitive le juge pénal qui décide indirectement de la dignité ou de l’indignité des représentants», ajoute la juriste.
«L’extrême gravité des faits reprochés»
Depuis sa garde à vue, jeudi 16 novembre, l’élu a été sanctionné par son parti politique, Horizons, puis par son groupe parlementaire, Les Indépendants. Les deux ont décidé de le suspendre et d’ouvrir des procédures disciplinaires pouvant aboutir à son exclusion. Lundi, le président du Sénat, Gérard Larcher, a demandé au sénateur de «se mettre en retrait de toutes ses activités liées à son mandat». «Il revient désormais à monsieur Joël Guerriau de prendre ses responsabilités, le temps que la justice et les services de police puissent éclaircir les faits», a avancé la présidence du Sénat dans un communiqué, soulignant «l’extrême gravité des faits reprochés au sénateur et [le] principe de dignité qui s’attache à l’exercice du mandat parlementaire». Avocat de l’élu de Loire-Atlantique, Rémi-Pierre Drai, a plaidé sur France Bleu que son client «ne va pas partir au bagne». Et d’ajouter que l’élu «n’a pas été interdit d’accès au Sénat» ni «interdit de continuer à être sénateur et de remplir son mandat parlementaire».