La «République exemplaire» : ce vieux slogan macronien a mal vieilli. Comme l’a révélé Libération mercredi, le ministre des Armées, Sébastien Lecornu, soupçonné de «prise illégale d’intérêts» par le Parquet national financier, pourrait se voir renvoyé en correctionnelle. Depuis 2017, une quinzaine de figures de la macronie ont eu des démêlés avec la justice. En parallèle, la doctrine du chef de l’Etat a évolué. En pleine affaire Fillon, le candidat En Marche clamait haut et fort qu’«un ministre doit quitter le gouvernement quand il est mis en examen». Six ans plus tard, un ministre ne doit démissionner que s’il est condamné. Le point sur les procédures intervenues depuis 2017.
Trois ministres accusés de viol
En 2017 et 2018, le ministre de l’Intérieur, Gérald Darmanin, est visé par deux plaintes pour viol, abus sexuel et abus de confiance déposées par Sophie Patterson-Spatz. Un non-lieu est prononcé en juillet 2022 puis confirmé en appel, mais la plaignante a annoncé son pourvoi en cassation. L’éphémère magazine Ebdo révèle en 2018 que Nicolas Hulot, alors ministre de la Transition écologique, est visé par une plainte pour viol, classée sans suite faute de preuves. En mai 2022, c’est Damien Abad, nommé ministre des Solidarités, de l’autonomie et des personnes handicapées, qui est accusé de «viol» et de «tentative de viol». Refusant de démissionner, il perd son poste à l’occasion d’un remaniement, après l’ouverture d’une enquête préliminaire. Jusqu’à maintenant, deux accusatrices ont été entendues par la justice. Le ministre conteste «avec la plus grande fermeté» ces accusations et a annoncé une plainte en dénonciation calomnieuse.
Favoritisme, emplois fictifs et prises illégales d’intérêts
Le ministre de la Justice François Bayrou quitte le gouvernement en juin 2017, suivi par Sylvie Goulard (Armées) et Marielle de Sarnez (Affaires européennes), décédée le 13 janvier 2021 des suites d’une leucémie. Une enquête visant le Modem et ses dirigeants avait été ouverte pour soupçons d’emplois fictifs concernant des assistants d’eurodéputés du parti. En janvier, le parquet de Paris a requis un procès contre treize personnes, dont François Bayrou, haut-commissaire au Plan. Quelques jours plus tard, Richard Ferrand, ministre de la cohésion des territoires, présente sa démission au gouvernement après l’affaire des Mutuelles de Bretagne. Il occupe tout de même le poste de président de l’Assemblée nationale jusqu’en juin 2022. En octobre, la Cour de cassation a confirmé la prescription des faits.
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En 2018, Alexandre Benalla, chargé de mission auprès de l’Elysée, est filmé en train de frapper des manifestants en marge du défilé du 1er mai. En 2021, il est condamné à trois ans de prison, dont un ferme. Son procès en appel est prévu le 9 juin. En janvier, la Cour de cassation a annulé la mise en examen de l’ancienne ministre de la Santé Agnès Buzyn pour «mise en danger de la vie d’autrui» dans l’enquête sur sa gestion de l’épidémie de Covid-19. Depuis 2020, l’actuel garde des Sceaux, Eric Dupont Moretti, est mis en examen pour «prise illégale d’intérêt» après qu’il a diligenté des enquêtes sur des magistrats à l’origine d’une enquête l’ayant visé. Il est renvoyé devant la cour de justice de la République en octobre et annonce son pourvoi en cassation. C’est ensuite au tour d’Alexis Kohler, secrétaire général du président de la République, d’être mis en examen en septembre pour «prise illégale d’intérêts», suite à une plainte déposée par l’association Anticor. Il aurait favorisé l’armateur MSC, avec qui il a des liens familiaux, alors qu’il était en fonction à Bercy. Après lui, c’est l’actuel ministre du Travail, Olivier Dussopt, qui est visé par une enquête du PNF pour «favoritisme» dans l’attribution d’un marché public lorsqu’il était maire d’Annonay.
Dans le viseur de la Haute autorité pour la transparence de la vie publique
Avec treize mises en examen depuis 2016, le conseiller spécial du président de la République Thierry Solère détient le record. Il est notamment visé par le PNF pour «détournement de fonds publics», «fraude fiscale» et «trafic d’influence». Rattrapée par la Haute autorité pour la transparence de la vie publique (HATVP), l’ex-ministre des Sports Laura Flessel a quitté le gouvernement en septembre 2018. L’ancienne championne d’escrime aurait sous-évalué son patrimoine dans sa déclaration d’intérêts. La même année, une enquête préliminaire est ouverte contre l’ancienne ministre de la culture Françoise Nyssen, accusée d’avoir agrandi illégalement les locaux des éditions Actes Sud, dont elle a été la présidente jusqu’en 2017. Elle quitte le gouvernement à l’occasion du remaniement de 2018.
Ancien haut-commissaire aux retraites, Jean-Paul Delevoye quitte à son tour le gouvernement en 2019 après avoir «oublié» de déclarer dix de ses mandats. Il est condamné à quatre mois de prison avec sursis et 15 000 d’amende en 2021. Le même sort est réservé à Alain Griset, en 2021. L’ancien ministre délégué aux PME est condamné à six mois de prison avec sursis pour «déclaration incomplète ou mensongère» auprès de la HATVP. En novembre, c’est la ministre déléguée aux Collectivités locales, Caroline Cayeux, qui démissionne du gouvernement Borne, la sincérité de sa déclaration de patrimoine étant remise en cause.