Comme une impression de déjà-vu. Au terme de 48 heures d’attente, Emmanuel Macron a finalement livré un nom pour le successeur de Sébastien Lecornu à Matignon… et ce n’est autre que Sébastien Lecornu lui-même. Le Premier ministre – qui n’est désormais plus démissionnaire – a dans la foulée annoncée sur X avoir «accepté par devoir», après avoir assuré mercredi soir que sa «mission était terminée». Le nouveau chef du gouvernement aura «carte blanche», a assuré vendredi soir l’entourage du président, pour former son équipe ainsi que pour mener «les négociations» sur le fond avec les partis politiques.
Mais les discussions à venir, après une semaine de psychodrame, semblent déjà quasiment sans issue. Dès l’annonce de l’Elysée, les réactions outragées ont inondé les réseaux sociaux et les plateaux télé. C’est notamment le cas à gauche, où socialistes, écologistes et communistes appelaient le Président à nommer l’un d’entre eux. Alors que la rumeur d’un accord de non-censure entre le PS et Lecornu a brièvement couru, le parti l’a démenti à toute force. «Il n’y a absolument aucun deal avec le PS, il n’y a aucune assurance, ni garantie», a souligné le secrétaire général du PS et eurodéputé Pierre Jouvet, qui a dénoncé une «intox totale». Pour le PS, la suspension de la réforme des retraites semble nécessaire pour parvenir à un tel compromis.
Le billet de Thomas Legrand
Chez les écologistes, la première réaction de la cheffe Marine Tondelier a été la même que celle de nombre d’observateurs : «incroyable», a-t-elle écrit laconiquement sur X. «Le président de la République a décidé de ne pas rendre le pouvoir et de continuer dans une voie dans laquelle tout le monde sait qu’elle mène à l’échec», a ensuite ajouté la secrétaire nationale des Ecologistes sur LCI, disant ne voir «aucun argument pour ne pas le censurer».
Leurs camarades communistes ont vu rouge. «Inacceptable entêtement du président. Sans rupture, ce sera donc la censure : retour aux urnes !», a lancé le secrétaire national du Parti communiste français, Fabien Roussel, sur X. Son porte-parole, le sénateur Ian Brossat, a enfoncé le clou : «Se foutre de la gueule du monde, c’est une chose. Le faire aussi méthodiquement et aussi ostensiblement, c’est inédit. Le déni démocratique et le mépris sont à leur comble.»
Du côté de «l’Après», le parti fondé par les purgés de La France insoumise, c’est également la consternation. Pour la députée de Seine-Saint-Denis Clémentine Autain, «la censure est au bout de la grossièreté présidentielle». Alexis Corbière, lui, évoque sur X un épisode «grotesque et inquiétant» : «Inacceptable qu’un homme seul puisse ainsi accaparer le pouvoir.»
«Le symbole est terrible»
Signe supplémentaire de l’explosion du «socle commun», aucune réaction importante n’est venue d’Horizons, du MoDem ou même de Renaissance pour soutenir le nouveau locataire de Matignon. Au sein des LR, possibles ex-alliés de la macronie, c’était plutôt la soupe à la grimace. «On se moque vraiment du monde. Renommer le même Premier ministre, après un tel cirque, c’est une provocation. Le symbole est terrible», a tancé Julien Aubert, vice-président des Républicains (LR). La formation de droite se réunira samedi matin en bureau politique autour de son président Bruno Retailleau.
Parmi les premiers à réagir, comme souvent, les insoumis n’ont pas été tendres. Le coordinateur de La France insoumise (LFI), Manuel Bompard, a fustigé sur X «un nouveau bras d’honneur aux Français d’un irresponsable ivre de son pouvoir. La France et son peuple sont humiliés». Le numéro 2 du mouvement a précisé que son parti censurera le gouvernement «Lecornu II» et déposera «une nouvelle motion de destitution du président de la République». Jean-Luc Mélenchon a pour sa part estimé que «Macron ne peut faire autre chose que du Macron». Sur X, le leader LFI a dit qu’ «à chaque tour du manège le pompon reste au même endroit. Ceux qui ont été le décor de cette comédie en sont pour le ridicule».
De l’autre côté du spectre politique, Jordan Bardella a lui aussi appelé à faire tomber le gouvernement, comme il l’avait promis auparavant. Le RN «censurera bien sûr immédiatement cet attelage sans aucun avenir», affirme son président, qui a dénoncé «une mauvaise plaisanterie, une honte démocratique et une humiliation pour les Français». Marine Le Pen a abondé sur X : «La manœuvre est aujourd’hui transparente : l’abandon du 49.3 n’avait pour seul objet que de permettre de passer le budget par ordonnances. Les manœuvres continuent, la censure, par conséquent, s’impose et la dissolution est plus que jamais incontournable.»